samedi 7 mai 2016

Quitter Lairière



Pause frigorifiée et plein vent au col de la Loubière. Adieu Lairière
J'appréhendais un peu mon départ de Lairière. 
Pas seulement parce qu'après un séjour et un accueil sympathique et prolongé il est plus difficile de faire ses sacoches ... mais partir de Lairière représentait aussi un défi physique.
Le Cers, déclinaison locale de la  Tramontane, soufflait sans discontinuer et je restais à contempler sa puissance depuis la fenêtre en me disant que j'avais eu bien de la chance d'arriver jusque là. Bien de la chance peut-être aussi parce que Franck m'avait attendu trois jours plus tôt pour me filmer comme un héros de la petite reine ... tout en me délestant de mes sacoches ce qui rendait l'ascension infiniment moins pénible. 
Eglise Saint Polucarpe. Une architecture anti-hérétique ? 
Limoux, une nouvelle vie commence
Bref, quand faut y aller, faut y aller. J'ai repris mon biclou en serrant les dents. J'ai affronté quelques folles rafales. Et puis ... et puis ... tout a très bien été. En fait, la forêt, le massif, tout cela se conjuguait pour me protéger du vent jusqu'au col où je me suis arrêté pour une pause photo qui m'a réfrigéré pour quelques secondes et je suis redescendu vers Saint Polycarpe et Limoux sans encombre. Là, la rupture était faite et je n'avais plus qu'à reprendre cette route qui n'appartient qu'à moi. 
La route des Pyrénées a ceci de particulier que rarement la ligne droite y est la plus courte pour aller d'un point à un autre. On est contraint d'y faire des boucles pour éviter soit les impasses, soit les montées trop élevées pour y traîner 22 kg de bagages sur un vélo. Sans compter le poids du cycliste, même si celui-ci en a perdu 4 depuis le début du périple. 
Bref, l'étape menait à La Bastide de Sérou, bourgade située à l'Ouest de Foix. 
Lorsqu'on avance en boucle dans les Pyrénées, on évite des lieux prestigieux pour un cycliste, parce qu'ils sont liés à l'histoire du Tour .. col de Puymorens, Col de Port, en attendant mieux. On se rapproche de lieux rendus célèbres par la pratique du rugby des bourgades, popularisés par Roger Couderc : Saint Girons, Saint Gaudens, Foix ou Tarbes ... Laurent Grandsimon m'expliquera plus tard que ce rugby là a déjà disparu au profit du rugby des grandes villes et des grandes machines : Toulon, Bordeaux-Bègles, Clermont-Ferrand. 
Moi, en pédalant, je gardais une tendresse particulière pour l'entre-deux, pour Foix en particulier, et pour être plus précis pour Niaux et Vicdessos, village de ma première petite amie, celle à qui Brassens rend un vibrant hommage dans cette chanson-là
Je n'ai là eu qu'une pensée passante pour ces lieux magnifiques que j'avais découvert en même temps qu'elle. C'est ça le vélo. On a un lien plus étroit avec le paysage, mais on fait beaucoup moins de détour qu'en voiture. Chaque détour se paye en temps et en effort. 
J'étais bien content à proximité de Foix de tomber sur une agréable voie verte, qui bien que non-goudronnée, et plutôt cahoteuse au début, m'offrait le moyen de raccourcir ma route sans me contraindre à des pentes trop soutenues. 
Bref je suis arrivé sans trop de peine à La Bastide de Sérou, chez Laurence et Eric, qui font partie du réseau des cyclo-campeurs. 
Encore des gens charmants, accueillants, ouverts et qui n'ont pas l'accent méridional. Et pour cause ! Ils sont d'origine parisienne, et ils sont là depuis 20 ans. Ils ne regrettent pas leur choix d'une vie dé-stressée, loin de l'Île de France. Eric s'est reconverti, passant de l'apiculture à plein temps à une agriculture bio menée dans un pays essentiellement lié à l'élevage. Laurence, elle, avait sa petite affaire, ses affaires. Elle était dans les fleurs, avait trois magasins et puis, tout d'un coup : stop !
Basta ... une autre vie, qu'ils semblent avoir réussi parfaitement offrant à leurs enfants un cadre épanouissant. Ils ont été parfaitement accueilli par la population locale, participants aux activités et comité des fêtes. C'est incroyable le nombre de cas comparables que j'aurais rencontré dans mon périple sudiste... Même si, et c'est là tout l'intérêt du voyage, chaque histoire est différente, chaque parcours est singulier ... si tant est que les gens se mettent en quête d'avoir un parcours. 
Laurence et Eric vivent à présent dans une demeure magnifique, ancienne écurie réaménagée, à l'écart du village. Belles personnes dans un beau cadre, ayant soif de vie et de projets. Marcheurs, cyclo-campeurs, agriculteurs et penseurs.


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