lundi 30 mai 2016

L'auberge de jeunesse de Lerida

Lérida, c'est déjà la Catalogne. Même si en Catalan, on dit Lleida, avec Ll au début, qui se prononce sans doute Lieu, et donc Lieida. Sauf que je croyais le double LL c'était en espagnol. Bref, tout cela est perturbant et je me dis que j'aurais du mal cette fois-ci avec mon âge et mon dictionnaire français espagnol, vu la présence un peu partout de la langue catalane, même si je n'entends pas les gens la pratiquer dans les rues. Dans les magasins, tout est écrit en Catalan. Quand je fais des demandes, c'est en espagnol et les gens me répondent gentiment en espagnol. Mais on sent lourd le poids de la Catalogne. C'est toute la différence avec Huesca, l'étape précédente en dehors du fait que c'est une plus grande  ville.
En arrivant, je n'ai pas fait l'erreur de chercher un camping par moi-même. Je suis allé directement à l'office de tourisme de cette ville ancienne, chez qui on sent tellement le poids de l'Histoire, qu'ils y ont fait deux cathédrales.
Sur la route, avant d'arriver à Lleida ... ou  Lérida, Comment
dire ? En espagnol ou en Catalan ? A priori, Lleida, fait plus
espagnol, à cause des deux l. Perdu !  Bon, de toute façon,
pour ne pas se compromettre, disons  le en français :Lérida .
Les hôtesses de l'office de tourisme m'ont conseillé l'auberge de jeunesse. Flatteur, certes ! Mais comme dirait Clemenceau : quand on est jeune, c'est pour la vie ... 
Donc, direction auberge de jeunesse, où comme au camping d'Ocheriaga, on me propose une chambre collective pour 20 €, mais avec en prime un petit déjeuner compris... Le prix parait d'autant moins élevé, que je serais seul dans cette chambre collective. On me promet même un accès à l'ordinateur de l'auberge ... sauf qu'il sera inutilisable pendant mon bref séjour et qui explique le fait que je n'ai pas pu alimenter mon blog pendant si longtemps.
Le château de Gardeny héberge le centre d'interprétation de
l'ordre 
des Templiers. Le bâtiment date du XIIe siècle et marque 
le début de la reconquête chrétienne sur le monde musulman. Elle
durera plusieurs siècles. Les Templiers y ont joué un rôle actif
 aux coté de Ramon Berenguer IV, Comte de Barcelone. Le
bâtiment 
et l'histoire m'ont fait penser à la place et l'église des
 Templiers à Luz Saint Sauveur, de l'autre côté des Pyrénées.

Lérida est une très belle ville. Malgré les efforts fournis pendant  la journée, je me dis que je ne peux me contenter de rester dans ma grande chambre toute vide. En route donc vers les hauteurs. J'ai remarqué qu'un peu à l'Ouest, en dehors de  la ville il y a un beau monument, estampillé Templiers. Tout ça fait partie de l'Histoire. 
Un élément d'architecture dans le centre de
Lérida et qui révèle la présence
musulmane, il y a déjà huit siècle. 
Avec mes jambes de coton, je parviens en haut de la colline lorsqu'un jogger me dépasse sans peine, puis une joggeuse, puis deux, puis trois... De quoi se sentir moins seul, même si ce n'est pas le même monde. Ils sont du coin, ils s'entraînent et font plus attention au groupe qu'à la vue sur la ville. 
Ce n'est pas mon cas. Après avoir été regardé le château des Templiers, je me sens attiré par la vieille cathédrale qui se trouve sur l'autre hauteur... alors j'y vais. Je passe à nouveau par le centre ancien. On m'indique gentiment la route, alors que je me perds dans les ruelles et les bâtiments qui traduisent l'influence arabe. Qui trahissent la présence musulmane ? Comment ça ? Ben oui, je me disais jusqu'à présent que l'influence musulmane avait surtout marqué l'Andalousie .. La mosquée de Cordoue, Séville, l'Alhambra à Grenade .. Ben oui, bien sûr ... Sauf que même si le Nord de l'Espagne est redevenu Chrétien bien avant, il a quand même été musulman pendant plusieurs siècles. 
Avouez qu'elle est belle, la vieille cathédrale. Quelle idée d'avoir
voulu en construire une nouvelle !? Peut-être parce que ceux qui
détenaient le pouvoir à l'époque se disaient qu'elle était un peu
trop  difficile d'accès .. ou moins trivialement qu'il fallait
remettre le religieux au cœur de la ville. 
Toutes ces réflexions  facilitent ma montée vers la vieille Cathédrale, elle-même jouxtant le château de la Suda. Un ensemble de toute beauté, qui offre une vue panoramique sur la ville , traversée par le Sègre. 
Heureux voyageur que je suis. Me voilà riche à présent et découvre que Lérida vaut bien plus qu'un détour. Maintenant, j'ai rendez-vous à Barcelone, où m'attend ma promise. La route m'attend. Heureusement, ces découvertes enrichissantes n'alourdissent pas les bagages, elles contribuent à rendre le coup de pédale plus souple, plus rond, plus efficace. 

mercredi 25 mai 2016

D'Ocheriaga à la Catalogne

J'étais entré à Ocheriaga sous la pluie, j'en suis sorti sous le soleil et un autre monde s'est ouvert. 
Pas vraiment l'image traditionnelle de l'Espagne, d'ailleurs. A vrai dire, on a petits chalets, des cours d'eau, des torrents, des ponts, des rivières, des cols, des montagnes abruptes, on est dans la Navarre, l'Aragon, la région où sont produits les meilleurs jambons d'Europe, mais à dire vrai, tant qu'on longe la frontière, on pourrait se croire en Autriche, en Bavière, en Suisse, bref, de ces paysages et de ces architectures montagnardes qui ont marqué toute une partie de l'Europe.
Sauf que chaque montagne est différente et marque les populations. La montagne, c'est un autre monde. 
Comme si ça ne suffisait pas d'avoir franchi la frontière !
Mais c'est qu'il faut encore grimper longtemps, même après
des descentes intéressantes. Après la Remendia, franchie la
vielle, un autre col encore plus élevé m'attend avant que l'on
suive la pente de la rivière qui m'amènera à Isaba, puis la vallée
du Roncal qui longe le Rio Esca, avant la grande route qui
mène à Jaca ou Huesca…


Rien à voir, par exemple, entre les Pyrénées français et espagnols. La pente est abrupte en France, avec des cols infranchissables pour un cyclo-campeur normal … En Espagne, on est sur des plateaux. Pas des plats plateaux, d'accord. Ca monte et ça descend, mais justement. Alors qu'après Roncevaux je m'attendais à être récompensé d'une bonne descente, pas de trêve du côté espagnol… Jusqu'à bien sûr un certain point, c'est à dire qu'après avoir franchi un nouveau col, je m'engage enfin à longer la vallée du Roncal, pour une descente magnifique le long d'un torrent qui se transforme en rivière direction Huesca ou Jaca, puisqu'une de ces deux étapes doit m'amener à Barcelone, où m'attend une semaine de pause avec ma bienaimée. 
La route qui mène à Huesca est des plus belles. Je me rends compte en pédalant que je l'ai parcouru il y a quelques années en voiture. Un paysage de western, parfois, des canyons, des vallées 
profondes, et … le vent dans le dos. Du coup, je pe dis que ça valait le coup que je me tape un dernier col, l'Alto de Santa Barbara. 
Dommage, c'est le moment où jeme rends compte que mon portable tombe en panne une deuxième fois. Je n'ai plus d'image. Ce qui explique la pauvreté des illustrations. Heureusement, j'ai chose de faire la pause dans une grande ville. 
Sacré service que m'a rendu Babacar. Sans lui,
pas de portable. Sans portable, pas de photo.
Sans photo, pas de blog. mais le plus
grand service que m'a rendu Babacar, c'est de
l'avoir rencontré.
J'arrive à 20 h. à Huesca. Première ville catalane. Ça ne se sent pas tellement. Le camping n'est pas indiqué. Qu'à cela ne tienne. Tous ceux à qui je demande m'expliquent où il se trouve, là bas, planqué, à côté du stade. Je sens mon espagnol qui revient … mais je prends un coup au moral, lorsque devant le camping, je m'aperçois qu'il est fermé. 
Je repique vers le centre ville. Je demande à un policier municipal s'il connait un hôtel bon marché. C'est ici que je ferais connaissance de Babacar, un sénégalais francophone, qui s'occupe de me faire réparer mon portable et me laisse me servir des petits déjeuners pantagruéliques. 
"Je sais que vous, les français, vous avez besoin de boire beaucoup de café … et de manger au petit déjeuner". 
Bonne observation Babacar ! Babacar est un bienfait de l'humanité. Il sait ce que c'est que voyager, que l'importance de l'accueil. Il s'intéresse à mon histoire. C'est toujours un bonheur de rencontrer des gens de qualité … mais quand en plus ils vous permettent de repartir avec un portable en bon état de marche … 
Ni Babacar, ni Huesca, juste une image du pont reliant
Joal au cimetière mixte (catholique et musulman)
 de l'Ile des Coquillages où est enterré Léopold Senghor
Babacar m'a parlé de son île, l'île des Coquillages. C'est là qu'est né Léopold Senghor. Il y est aussi enterré après avoir vécu longtemps en Normandie. Babacar m'y invite. Je suis d'accord pour aller partout. Mais pour l'instant, je m'interdis de perdre  la Sicile de vue. 
"Nulle dialectique, même déchaînée, ne saurait se passer d'une immutable…" C'est une citation, je ne sais pas de qui. Visiblement, c'est d'un philosophe étranger, et mal traduit, mais c'est une formule dont je me sers de temps en temps. 
Je te dois au moins une attention particulière au Sénégal et à Léopold Senghor.














Olivier à Roncevaux

Pas désagréable finalement de prendre la route à 6 heures du matin. A peine le temps de se dire au revoir avec Shafia et Tom. Shafia qui se dit que tout sera fermé partout, que c'est la Pentecôte. Je réaliserai plus tard qu'elle se trompe d'une semaine. A six heures, c'est le matin pour tout le monde. 
Pas besoin de faire beaucoup de kilomètres
pour passer la frontière à Saint-Jean pied de
Port. Le problème, c'est que l'ascension est
loin d'être finie. 

Sur la route, pour accompagner l'effort, on se raconte des histoires. Roncevaux, Roncesvalles en espagnol, ça touche à la légende. J'avais pas bien compris à l'école, mais n'empêche, ce Roland qui appelle au secours avec son olifant. Et son vieux copain Olivier qui ne vient pas … et Roland qui meurt.


Comment ça, il ne vient pas ?!!! Bien sûr que j'arrive. Sur mon vélo. Quelques siècles plus tard. Suffit de patienter un peu mon Roland. 
Qui pour dire encore qu'Olivier n'était pas à Roncevaux ?
Plus sérieusement, c'est une histoire un peu complexe, qui a structuré l'imaginaire occidental, parallèlement à celle des chevaliers de la Table Ronde. Roland, la brêche de Roland, qui se trouve d'ailleurs dans le cirque de Gavarnie… mais ça c'était l'étape d'avant. Mais si Roland, avec son épée Durandal, qui a taillé la roche. 

Ah ! Les légendes. Déjà, j'ai eu du mal à comprendre que Roncevaux, ça se trouvait en Espagne. Mais ce n'est pas le tout. Il y a un lien très fort entre Roland et la Sicile. En fait, Italo Calvino l'explique très bien, en Italie, l'Arioste, Ludovico Ariosto, a glorifié le personnage de Roland avec son Orlando furioso, et en Sicile, les marionnettes reprennent l'histoire de Roland et d'Angélique. En France, on s'est plutôt centré sur l'histoire des chevaliers de la Table Ronde, avec Lancelot. Comme quoi, Roncevaux, c'est déjà la Sicile...
De l'histoire, j'avais retenu deux choses. 
Roger délivrant Angélique, vu par Ingres. Comme quoi
la légende de Roland ne se limite pas à Roncevaux.
Déjà un morceau de Sicile. 
La première, soulignée par Frédéric Boyer, qui a traduit l'histoire de l'ancien français, c'est l'apologie de la défaite. Rolland est un perdant. Il est battu, abandonné, il meurt, à Roncevaux. Et le voilà héros. A part le Christ, il y a peu d'équivalent dans les légendes.
La deuxième, c'est le fait que Roland change d'ennemi avec le temps. Il est d'abord battu par les Vascons, disons les Basques, et puis, deux ou trois siècles plus tard, ce sont les sarrasins qui l'assassinent.  Les légendes doivent répondre aux besoins du moment et s'intègrent là aux besoins du catholicisme.
Bref ! Quelques lacets et dénivelés plus loin, j'arrive à la Frontière, puis au pic d'Ibaneta, puis enfin à Roncevaux. 
Photos de circonstances ... Mais enfin, il n'y a rien de fait. Changement de frontière, changement d'allure, changement de langues, changement de météo. Nuages et pluie. Pause mal venue. Je mange un peu, mais j'ai froid et je suis loin de tout. Roland avait raison, c'est pas un endroit pour mourir. 
Je reprends le vélo en attendant des temps meilleurs. J'espère un peu trouver un accueil dans les hébergements dédiés aux Pèlerins de Compostelle, que je n'arrête pas de croiser au bord de la route depuis une centaine de kilomètres. Mais ça me paraît compliqué et l'office de Tourisme de Compostelle me répond un peu froidement.  Je ne peux pas rester sur place, en tous les cas. Il fait trop froid. Je reprends la route en espérant que le camping indiqué 40  km plus loin sera ouvert.
Au moment où je sens le moment s'approcher, nouvelle crevaison. Une nouvelle fois à l'avant. 
Nouveau moment de solitude... Jusqu'à ce que José, un cyclotourisme espagnol me prenne en pitié. Il m'aide à réparé, me soutient moralement et va même jusqu'à m'accompagner à Ochariaga, où j'arrive en même qu'une pluie glacée.
N'importe ! Le camping est ouvert, et me propose pour 20 Euros une chambre collective dont je serais le seul occupant... pour le double du prix d'une tente qui ne m'aurait pas aussi bien protégé des rigueurs du temps. Je prends conscience de la différence de conception de l'hébergement en Espagne. Une fois à l'abri, je peux nettoyer mon linge du jour et me préparer à un nouveau départ. 
Demain, me dit le tenancier du camping, il fera beau. 

Ça tombe bien, on se lasse très vite de rouler sous la pluie et tant qu'à grimper, autant profiter des beaux paysages pyrénéens.

jeudi 19 mai 2016

Champion du monde

Laurent m'avait dit que ce n'était pas possible ... 
De Luz-Saint-Sauveur, il y a plus d'une centaine de kilomètres, et je ne suis parti de la capitale du Pays Toy qu'à un peu plus de deux heures de l'après midi. Je ne pouvais pas partir sans saluer Laurent et Siane, quoi qu'il advienne. Ils m'avaient fait si bon accueil et cérémonie ou pas, impératifs post-cérémonie ou pas, je ne pouvais pas prendre la route comme un voleur.
Le problème, bien sûr, dans ce cas-là, c'est qu'en retardant le départ, on retarde aussi l'arrivée. Tom m'avait promis de m'héberger à Orthez, qui était exactement la bonne distance pour mon nouveau projet de passer en Espagne. Sauf qu'il m'avait précisé qu'il devait, en toute hypothèse quitter sa demeure à 6h30 du matin au plus tard. 
- "Pas de problème !" J'avais répondu.
Et, de fait, ce défi, les éléments m'ont durablement aidé à le relever. 


Ravi de passer par Saint Pé de Bigorre, ville
de référence de tous les cruciverbistes de France.
La ville existe, réellement, elle se situe quelque
part entre Lourdes et Pau. Je l'ai traversée en
coup de vent. 
D'abord la pente. À pédaler, il me revient souvent en mémoire l'axiome de Bernard Hinault : "quand ça monte, on ne s'en rend pas tellement compte". Et de fait, c'est en descendant de Luz Saint Sauveur que j'ai vraiment compris combien et pourquoi j'en avais bavé à l'aller. En plus, là, j'avais le vent dans le dos. Je me suis laissé emporté jusqu'à Lourdes à une moyenne supérieure à 30 km/h. 
Un vrai miracle. Du coup, j'ai même été trop loin. J'ai dû faire marche arrière un petit peu. Quelques montées dans Lourdes, ville balancée entre religiosité et radicalisme ... et puis, re-vent dans le dos. Même si, cette fois, la route était plate. Mais ça filait, ça filait. Passage de Lourdes à Pau en passant par Saint Pé, la ville des mots croisés. Tout ça me faisait sourire dans une route si facile. 
Arrivée à Pau, ville laissée par la gauche à François Bayrou. Mais, même là, tout allait bien. Je me retrouve sur un circuit automobile. C'est trop, comme disent les jeunes à présent. Je passe devant les tribunes. En fait, j'ai découvert que la course de formule 3000 a eu lieu une semaine plus tard. Ça m'a permis d'avancer durablement. Tous les éléments étaient en ma faveur. Il y avait même une piste cyclable un peu plus loin, pour me permettre de rejoindre Orthez sans encombre. Ok, je me disait que Pau-Orthez, ce n'était pas si distant, forcément, puisqu'ils avaient fabriqué une équipe de basket en commun ... 
Le Gave de Pau, celui qui a tout emporté il y a
deux ans. Même à Lourdes, il n'y a pas eu de
miracle ... Même si c'est sur les lieux saints que
tout é été réparé au plus vite. Plus loin, le long
du cours, la rivière qui a tout emporté, et en
particulier la voie verte, nécessite un tout autre
aménagement. La force du flux impressionne.
Attention, ça fait quand même un peu plus de 40 km. N'importe, je me disais. Je suis sacrément dans les temps... jusqu'à ce qu'à l'entrée de la piste cyclable, à 5 km de Pau, un horrible pschitt se fasse entendre. Il y a les pschitt, à la Chirac, qui sont censé vous tirer d'affaire, et il y a les pschitt qui vous mettent dedans. Je crevais du pneu avant. Une horreur, je dis ! J'avais crevé 4 fois à l'arrière, pas encore à l'avant. Je fais une tentative avec une rustine. Perte de temps. Je continue. Aucune bonne âme pour m'aider. Juste des familles ou des couples sages faisant leur promenade du dimanche. Je sors le grand jeu : une chambre à air toute neuve. Je repars. 
La piste cyclable n'est plus ce qu'elle était. Nombreux barrages. En fait, elle est encore marquée par les terribles inondations d'il y a deux ans, lorsque le gave de Pau a tout emporté sur son passage. Je le vois, le gave de Pau. Je le longe. Je sens sa puissance et j'imagine ses débordements. 
Je n'ai pas le temps de m'attarder. J'arrive chez Tom à 19h30. 
Il m'attendait avec sa compagne à 19h. Pas de problème. J'ai même le temps de laver et mettre à sécher mes affaires du jour. 
Tom est chauffeur routier. Mais sa passion, c'est le vélo écolo. Pas vraiment le genre de l'hommage de Sarkozy à la France qui se lève tôt. Il a participé à l'alternatiba et à d'autres circuits pour promouvoir un monde bicyclette. Sympa. Sa compagne Shafia, qui tient son prénom de la sage-femme qui l'a mise au monde semble un peu moins motivée. Elle aime mieux la marche. Au menu : galettes de quinoa. Il faut finir les restes. 
Une soirée très agréable. Une bonne nuit et même un petit déjeuner sympathique à Orthez le lendemain matin ... avant de me diriger vers l'Espagne.
Bientôt de nouvelles aventures... et un premier contact avec l'étranger. J'ai hâte même si j'appréhende un peu.

mercredi 18 mai 2016

Le 8 mai en pays Toy

Cérémonie du 8 mai devant l'église des Templiers à Luz.
 Plus que partout ailleurs l'esprit de Résistance
J’ai dit un peu plus haut que Laurent Grandsimon était président de la communauté de communes du pays Toy… Cela mérite quelques explications. 
Depuis quelques années, le nom de toy résonne agréablement à des oreilles françaises… Cela étant précisément dû à l’extension de l’usage de cet anglicisme dans la langue française. Ainsi la chaîne de jouets « toys R us » est-elle venue envahir l’espace publicitaire de nos chers petits et de leurs parents en mal de satisfaire leurs désirs au moment de Noël. Quelques années plus tard, la formidable extension de la reconnaissance du plaisir féminin s’est traduite par la croissance de la diffusion des vibromasseurs, renommés sex-toys, par les impératifs du marketing. 
Le pays Toy n’a rien à voir avec ça. Il tient son nom depuis bien plus longtemps. Toy vient de ce que les habitants de la vallée autour de Luz Saint-Sauveur et Gavarnie, disaient « tuoy » pour dire « tu » ou « toi », et que cela leur a valu leur appellation. Ce phénomène me semble comparable avec les « ch’tis », dans le Nord, dont le sens du mot est exactement le même. « Ch’ti", « Tuoy" puis « toy", et enfin « toi »… Peut-être cette appellation était elle donnée au début pour se moquer. Ce qui est sûr est que le fait de transformer une dérision en fierté ne peut être la marque que d’une identité forte. Laurent m’a d’ailleurs donné plusieurs exemples où, face aux pires difficultés, il lui est revenu à la tête des formules du genre « on ne peut pas traiter un enfant Toy comme ça », ce qui lui a permis d’accéder aux plus hautes responsabilités internationales… Et c’est toujours ça qui m’épate : voir à quel point les identités les plus locales se confrontent aux réalités internationales. Comme disait l’autre : l’universel, c’est le local moins les murs. 
J’en ai vu une illustration le 8 mai, lors de la cérémonie commémorative. Beaucoup de monde sur la place pour une commune de moins de 2.000 habitants, et surtout si l’on tient compte de la concomitance de la date avec celle du week end de l’ascension, seul week-end prolongé du mois de mai. Au delà de la commémoration, on sent la réalité de la Résistance toute présente plus de 70 ans après les faits. Comme si le principe même de Résistance était intrinsèquement lié à la vie de la population. Ici, m’a dit Laurent Grandsimon, la droite n’existe pas. Dans le village voisin de Luz-Saint-Sauveur, le Front de gauche a atteint son plus haut score national. La Résistance fait partie de la culture Toy.  


samedi 7 mai 2016

Laurent Grandsimon

Laurent dans ses Pyrénées
Luz-Saint-Sauveur, on n'y va pas par hasard. 
En fait, moi, tout bêtement j'y allais pour rencontrer Laurent Grandsimon, qui faisait typiquement partie de ces gens qu'on rencontre, qui vous plaisent et à qui l'on dit, bon, j'irais te voir un de ces jours. 
Et voilà, j'ai été le voir. A vrai dire, j'y suis encore même si ce n'est plus pour très longtemps. 
Laurent Grandsimon, je l'avais rencontré à une université d'été du parti radical de gauche, l'ayant invité à ma table parce que je le sentais un peu seul et qu'il y avait de la place du côté de la fédération de l'Eure. 
C'est alors qu'il m'avait raconté son incroyable histoire qui, à elle seule, mériterait un roman. C'est dire la difficulté de l'exercice qui consiste à la résumer en une phrase mais il était responsable de la commercialisation chez IBM pour ce qui concerne la Région qui couvrait l'Australie et l'Asie. Son job était basé au Japon, il avait son foyer en Australie. Il prenait l'avion comme d'autres le métro. Cet homme puissant ne faisait que des envieux autour de lui. Sa situation était d'autant plus admirable qu'elle était obtenue le talent hors pair et la volonté farouche d'un petit gars des Pyrénées, fils d'instit' et d'employé de banque. Et puis, tout d'un coup, ce type baignant dans le milieu des puissants en quête de davantage de puissance, ce type a dit stop. 
Il est en quelque mois retourné dans son pays natal, a pris en charge un hôtel, et s'est décidé à vivre autrement, avec Sian, son épouse australienne et ses enfants Jack et Ayden.
Je ne me rappelais pas de toute l'histoire. Du reste, on avait eu trop peu de temps pour qu'il me la raconte en détail. Tout ce qu'il me disait venait de se faire. C'était il y a près de dix ans. Il me disait aussi qu'il prenait la tête de l'opposition à la municipalité d'alors. Après avoir agi dans la course au profit, il voulait agir au service des autres. C'est ça la politique.  Après ça, on avait communiqué par blog interposé, on n'était pas d'accord sur tout, mais on s'était promis de se voir. 
C'est ça : promis de se voir. 
Ce que j'explique aux gens qui me demandent comment et pourquoi je fais ça de partir en vélo pour aller je ne sais où ... je dis : oui, vous savez, ça permet de rendre visite à tous ces gens qui vous disent, passez nous voir et qu'on ne va jamais voir. Vous savez, le retour à la case travail, les occasions qui ne sont jamais bonnes, le temps qui passe et qui vous rend timide. 
Un petit col avant d'arriver, mais la roue est plus dure encore.
Et puis voilà, comme je me suis dit en enfourchant le vélo : si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais, ainsi en est-il pour ce qui est de ces visites improbables... dont Feydeau donne d'ailleurs un terrible exemple dans "l’Hôtel du libre échange" .
Comme Luchon, Luz se trouve au bout du chemin. En face il y a le mur pyrénéen. Par les côtés, il y a des montagnes. 
Panoramique du cirque de Gavarnie vu de l'hôtel  du cirque
En face le cirque de Gavarnie mur de falaises de plus de 1000 mètres qui nous sépare de l'Espagne, classé au patrimoine mondial de l'Humanité, à droite le Pic du Midi, séparé du Pic des 4 Termes par le col du Tourmalet, de toute part des montagnes et la seule descente qui reste est la marche arrière par la route des Gorges de Luz qu'on vient de franchir. 
Promenade à Gavarnie
Mais il en faut plus pour se laisser abattre dans la région. Un peu à l'image de ce que m'avait fait Marie-Claude à Luchon, Laurent Grandsimon, dès mon arrivée, m'indique qu'il n'est pas question que je reparte sans avoir franchi le Tourmalet et me propose dès le lendemain une petite promenade d'un quart d'heure dans le secteur de Gavarnie. 
Laurent Grandsimon, je ne l'ai pas dit, est devenu maire de Luz-Saint-Sauveur. Il y demeure avec Sian, sa délicieuse épouse australienne et sa famille. Tout va bien. Mais il ne fait pas seulement maire et patron de l'Hotel des Templiers dont je vais parler tout à l'heure. Il est aussi président de la communauté de communes du pays Toy, et président du parc National Pyrénéen. En gros il est au coeur de toutes les problématiques pyrénéennes dont on entend parler de manière récurrente ... Les ours, l'environnement etc ... 
Il me raconte ses deux premières années de mandat. La difficulté de s'imposer, les attentes de la population, les rapports avec les autres élus qui ont d'ailleurs changé sa façon de voir sur la politique locale. Tout cela lui plait, le passionne et le change profondément de cet autre monde dans lequel il a vécu il y a maintenant si longtemps. Laurent Grandsimon est une belle personne. 
Jack, Ayden, Laurent et Siane Grandsimon
On aurait tort cependant de dissocier complètement sa vie actuelle de celle qu'il occupait auparavant. Son cadre affectif est assuré par sa famille, c'est vrai, mais Luz Saint-Sauveur vit aussi du tourisme, le ski et tout ce qu'apporte le tour de France. Ainsi était-il tout à fait normal qu'il me propose à peine arrivé l'ascension du Tourmalet... et d'ailleurs, on était le week end de l'Ascension. 
Julia et Steve. Ensemble dans leur entreprise veloroo

J'ai mieux compris ça le soir, lorsqu'il a invité à dîner Cathy, anglaise cycliste et céramiste qui travaille aussi à l'Hôtel et un couple d'australien, Steve et Julia, qui organisent des séjours pour des cyclotouristes australiens. Cela dit assez la croissance de la renommée internationale du Tour, qui rejaillit bien évidemment sur la France elle-même, sur les Pyrénées et sur le Tourmalet en particulier.
Il n'y a pas que des vélos sur le parcours
Laurent Grandsimon m'a amené là haut, sachant que je me laisserai tenter. On s'est arrêté après avoir traversé un troupeau de mouton et on est tombé sur la barrière. 

Le lendemain, c'était à mon tour.
Pas de bagages, ça fait moins lourd, mais quand même une sacrée expédition. Les moutons étaient cette fois sagement rangés sur le bord de la route. Je me faisais doubler par de jeunes cyclistes bien équipés qui se disaient impressionnés par mon vélo à garde-boue. Mais mon vélo, c'est le plus beau. il a
Il en faut plus pour arrêter un  cycliste fou
la couleur du vélo de Poulidor en 1964 ... mais ça, les jeunes ne le savent même pas. J'ai passé la barrière par le coté.

Les jeunes qui s'y étaient arrêtés m'ont suivi, puis dépassé. Puis se sont arrêtés au premier passage neigeux qu'ils ont franchi avant moi. Puis se sont arrêté au deuxième muret de neige. Qu'ils ont franchi comme moi. Après, il restait un kilomètre et demi jusqu'au sommet. Dur-dur, comme on disait dans ma jeunesse... A mon avis c'est le pourcentage le plus difficile. Bref ! Au bout du compte j'avais franchi sans trop de peine le Tourmalet. 
Hors catégorie, le col qu'il est !
Le soir, j'en ai parlé à Laurent en lui disant que j'étais content d'avoir franchi un col de 1ère catégorie. Il s'est marré : "tu rigoles ... Ici, il n'y a pas de première catégorie. Dans le coin, il n'y a que des cols hors catégorie !"

Merci Laurent, sans toi, j'aurais jamais été là haut... et je dois dire, je regarderai le Tour de France différemment à présent. D'ailleurs, dès cet été, il passe à Luz... Pas étonnant, il y passe neuf fois sur dix. 
La vue avant la descente. Après l'effort le réconfort
Enfin, impossible de parler de mon séjour à Luz ... Je sais mes posts sont longs. Mais, je profite de ce moment pour le dire : JE FAIS AU PLUS COURT. 
L'église des Templiers et son mystère
Bref, impossible de parler de mon séjour à Luz sans parler de l'église des Templiers, de l'Hôtel des Templiers et de la place de la Comporte qui les sépare. Une place petite, belle et animée, surtout depuis que le patron des Templiers est devenu maire de la commune. C'est le dernier endroit où l'on cause. C'est vivant, dynamique et beau. L'église des Templiers est un mystère. On a beau dire que ça n'a rien à voir avec les Templiers, personne n'y croit. L'église ressemble à un château, un petit château miniature et surtout pas à une église. Rien de démonstratif dans ce monument qui existe pour ce qu'il est : beau et mystérieux. 
L'Hôtel des Templiers. Vous n'y viendrez pas par hasard
Si vous faites l'effort d'aller jusqu'à Luz, même si vous ne franchissez  pas le Tourmalet, même si vous vous contentez d'une ballade à Gavarnie, séjournez à l'Hôtel des Templiers, c'est le meilleur de France et sans doute des Pyrénées. 









Luchon

Je ne sais pas si je l'ai déjà dit, mais ma connaissance de la géographie a commencé par le vélo. J'avais décidé à 20 ans et quelques de me rendre en Italie avec ma copine Babette. Et c'est vraiment à vélo qu'on ressent par le corps et l'effort l'importance des vallées, des montées, des descentes, des rivières, des cols, des vents et de toutes ces choses que jamais un professeur si bon qu'il soit ne pourra faire éprouver à un cerveau ... Au mieux transmettra-t-il un savoir abstrait, de ceux qui permettent d'avoir une bonne note avant qu'on les oublie.
Alors voilà, je reprends mon cours de géographie de tout à l'heure. Rassurez-vous, ça va être bref et j'espère un peu joli. Voilà :
Comme on ne peut pas longer les Pyrénées sans se taper des montées épuisantes quand on porte une vingtaine de kilos, on est obligé de faire des boucles, c'est à dire de s'éloigner des routes qui montent, avant de les reprendre quand on y est obligé. Par exemple, quand on va chez Marie-Claude qui habite à Luchon, ou juste à côté, à Lège, plus précisément. 
Et bien il se trouve qu'on peut regretter les grandioses paysages des Pyrénées. Mais il y a une compensation : c'est qu'à force d'éviter les montagnes, on chevauche toutes les vallées et les cours d'eau qui vont avec, fleuves, rivières, ruisseaux qui coulent avec force.
Le cours du Salat que l'on suit en sortant de St Gaudens
Après, une fois qu'on a chevauché ces cours d'eau, pris quelques photos apaisantes, on peut se décider à en suivre un puisque, généralement, les  stations thermales, les beautés panoramiques se trouvent au bout d'une route, elle-même longeant une rivière. Fin de la boucle. 
Une pause le temps d'une photo ébahie
Luchon, c'est un joli nom. Rassurant. Qu'on sent proche de chez soi. Pour tout dire, enfant, lorsque je suivais le tour de France sans recul, et que je voyais que Poulidor, mon héros, avait gagné à Luchon, je pensais que ça se passait à côté de chez moi. 
C'est après que j'ai appris que c'était là-bas, dans les montagnes et que d'ailleurs, on disait plus Bagnères de Luchon que Luchon. Parait que ça vient de Lux, lumière, qui a donné son nom à Luz aussi, et que c'est un nom qui va bien pour ces lieux  qui inondent de lumière ces endroits au pied des montagnes, comme des clairières dans les forêts. 
La vallée de Luchon, vue de haut ... au loin l'Espagne
Bref, après ces heures d'efforts, soulagées justement par les paysages des bords et traversées de rivières j'ai fini par atterrir à Lège, chaleureusement accueilli par Marie-Claude qui a eu soif de me faire découvrir ce paysage enchanteur, où elle a choisi de s'installer pour sa retraite, et où elle poursuit inlassablement de longues marches. Le but n'est pas tant de connaître le paysage, si j'ai bien compris, que de se connaître soi-même, humble face au panorama grandiose.  
Marie-Claude est une passionnée. Elle parle comme elle marche. Elle marche comme elle respire. Dans les Pyrénées on ne se laisse pas impressionner par un type qui a fait 1.500 km à vélo. On l'assoit, on le laisse  prendre sa  douce, et  puis ... et puis, on le promène, hein ... On est tellement mieux pour discuter. 
Je dois dire, ça m'a fait drôle aux jambes... mais c'était tellement présent  ... d'autant que Lège n'est pas Luchon, et qu'à Lège, il n'y  a pas un mètre de rue qui n'ait pas un dénivelé de 10%. 
Marie-Claude  m'a parlé des Pyrénées, bien sûr, mais aussi du Maroc, de la Tunisie ... elle ne savait pas encore que j'étais privé de Maghreb. Moi non plus du reste. Marie-Claude m'a parlé de sa mère, de ma soeur, de la retraite, de la vieillesse, de Mayotte. J'ai parlé aussi pour dire la vérité. 
Un reste de la grandeur de Luchon.
Le lendemain, elle m'a fait visiter Luchon, avant de partir. La ville d'eau désuète. L'impératrice Eugénie qui a popularisé les cures et les villes d'eaux dans  les Pyrénées. Victor Hugo, qui est passé par là et qui ne pouvait pas passer quelque part sans en faire quelques pages. 
Alors, Marie-Claude, Luchon ou Bagnères de Luchon ? 
Pris en photo par Marie-Claude, avant mon départ
Ben, les  deux ! C'est pareil. Luchon, qui perd des habitants, des curistes. Qui perd sa ligne de chemin de fer. Luchon, si joli. Au revoir Luchon, à présent, je dois me rendre à Luz-Saint-Sauveur, un autre ami, une autre vallée, la même impératrice Eugénie, les mêmes  Pyrénées... Mais ce n'est plus le col de Peyresourde, juste le col le plus légendaire du Tour de France : le Tourmalet






Quitter Lairière



Pause frigorifiée et plein vent au col de la Loubière. Adieu Lairière
J'appréhendais un peu mon départ de Lairière. 
Pas seulement parce qu'après un séjour et un accueil sympathique et prolongé il est plus difficile de faire ses sacoches ... mais partir de Lairière représentait aussi un défi physique.
Le Cers, déclinaison locale de la  Tramontane, soufflait sans discontinuer et je restais à contempler sa puissance depuis la fenêtre en me disant que j'avais eu bien de la chance d'arriver jusque là. Bien de la chance peut-être aussi parce que Franck m'avait attendu trois jours plus tôt pour me filmer comme un héros de la petite reine ... tout en me délestant de mes sacoches ce qui rendait l'ascension infiniment moins pénible. 
Eglise Saint Polucarpe. Une architecture anti-hérétique ? 
Limoux, une nouvelle vie commence
Bref, quand faut y aller, faut y aller. J'ai repris mon biclou en serrant les dents. J'ai affronté quelques folles rafales. Et puis ... et puis ... tout a très bien été. En fait, la forêt, le massif, tout cela se conjuguait pour me protéger du vent jusqu'au col où je me suis arrêté pour une pause photo qui m'a réfrigéré pour quelques secondes et je suis redescendu vers Saint Polycarpe et Limoux sans encombre. Là, la rupture était faite et je n'avais plus qu'à reprendre cette route qui n'appartient qu'à moi. 
La route des Pyrénées a ceci de particulier que rarement la ligne droite y est la plus courte pour aller d'un point à un autre. On est contraint d'y faire des boucles pour éviter soit les impasses, soit les montées trop élevées pour y traîner 22 kg de bagages sur un vélo. Sans compter le poids du cycliste, même si celui-ci en a perdu 4 depuis le début du périple. 
Bref, l'étape menait à La Bastide de Sérou, bourgade située à l'Ouest de Foix. 
Lorsqu'on avance en boucle dans les Pyrénées, on évite des lieux prestigieux pour un cycliste, parce qu'ils sont liés à l'histoire du Tour .. col de Puymorens, Col de Port, en attendant mieux. On se rapproche de lieux rendus célèbres par la pratique du rugby des bourgades, popularisés par Roger Couderc : Saint Girons, Saint Gaudens, Foix ou Tarbes ... Laurent Grandsimon m'expliquera plus tard que ce rugby là a déjà disparu au profit du rugby des grandes villes et des grandes machines : Toulon, Bordeaux-Bègles, Clermont-Ferrand. 
Moi, en pédalant, je gardais une tendresse particulière pour l'entre-deux, pour Foix en particulier, et pour être plus précis pour Niaux et Vicdessos, village de ma première petite amie, celle à qui Brassens rend un vibrant hommage dans cette chanson-là
Je n'ai là eu qu'une pensée passante pour ces lieux magnifiques que j'avais découvert en même temps qu'elle. C'est ça le vélo. On a un lien plus étroit avec le paysage, mais on fait beaucoup moins de détour qu'en voiture. Chaque détour se paye en temps et en effort. 
J'étais bien content à proximité de Foix de tomber sur une agréable voie verte, qui bien que non-goudronnée, et plutôt cahoteuse au début, m'offrait le moyen de raccourcir ma route sans me contraindre à des pentes trop soutenues. 
Bref je suis arrivé sans trop de peine à La Bastide de Sérou, chez Laurence et Eric, qui font partie du réseau des cyclo-campeurs. 
Encore des gens charmants, accueillants, ouverts et qui n'ont pas l'accent méridional. Et pour cause ! Ils sont d'origine parisienne, et ils sont là depuis 20 ans. Ils ne regrettent pas leur choix d'une vie dé-stressée, loin de l'Île de France. Eric s'est reconverti, passant de l'apiculture à plein temps à une agriculture bio menée dans un pays essentiellement lié à l'élevage. Laurence, elle, avait sa petite affaire, ses affaires. Elle était dans les fleurs, avait trois magasins et puis, tout d'un coup : stop !
Basta ... une autre vie, qu'ils semblent avoir réussi parfaitement offrant à leurs enfants un cadre épanouissant. Ils ont été parfaitement accueilli par la population locale, participants aux activités et comité des fêtes. C'est incroyable le nombre de cas comparables que j'aurais rencontré dans mon périple sudiste... Même si, et c'est là tout l'intérêt du voyage, chaque histoire est différente, chaque parcours est singulier ... si tant est que les gens se mettent en quête d'avoir un parcours. 
Laurence et Eric vivent à présent dans une demeure magnifique, ancienne écurie réaménagée, à l'écart du village. Belles personnes dans un beau cadre, ayant soif de vie et de projets. Marcheurs, cyclo-campeurs, agriculteurs et penseurs.


Privé de Maghreb

C'était pourtant une belle idée... mais ça plait pas à tout le monde :(
Privé de Maghreb, 
privé de désert, comme disait un copain. 
Mon ami Smail vient de me faire comprendre que si je n'ai pas eu de réponse à ma demande de visa au bout de trois mois,  c'est qu'il est inutile de se bercer d'illusion. Je n'aurai pas de visa. Pourquoi ? Ben, c'est ça, on peut toujours broder. On peut d'autant plus broder que je n'aurai pas de réponse. Vu de ma fenêtre, l'administration Algérienne, c'est pire que l'administration fiscale en France. 
Je reste dans l'idée que 95 % des visas obtenus pour l'Algérie concernent des visites familiales ou sont liés à des contrats de travail. Ma demande de circuler librement sur mon petit vélo plait aux rêveurs, aux esprits emprunts de liberté, mais pas à une administration sous l'emprise d'un pouvoir politique incertain ... d'autant plus dur qu'il est peu sur de lui, de son avenir avec à sa tête un vieux président malade qui sert juste pour l'instant à masquer les conflits internes et puissants de la Nation Algérienne.... 
Inutile d'en dire davantage. Je n'irai pas en Algérie. Cela me prive en même temps de Maroc et de Tunisie. Cela me fait penser à ce que me disait Jean-Philippe quand il croyait que j'allais traverser Syrie et Libye ... Non, je n'aurais jamais cette audace. Je suis solidaire de toutes les populations qui souffrent mais je n'ai pas la folie nécessaire pour me confronter aux conflits les plus durs avec mon petit vélo. 
Moi, j'ai juste un souhait simple : me confronter à mon désir de Sicile, que je voulais atteindre par le Maghreb ... Pourquoi par le Maghreb ? Je disais par boutade que c'était pour refaire le chemin de Hannibal à l'envers ... mais c'était surtout parce qu'on ne peut pas comprendre la Sicile, si on la considère seulement comme le bout de l'Europe, le ballon de football de l'Italie, situé au bout de sa botte. 
Non, la Sicile, c'est la Méditerranée. Située en son coeur, elle en est la plus grande île. Elle en porte tous les désirs, toutes les contradictions et tous ses conflits. Elle porte en elle toute sont Histoire et tout son avenir. Alors, sûr que ç'aurait été mieux, si je l'avais abordé par la face sud. Cela avait un sens. Mais c'est pas le bon sens pour les autorités algériennes. Sur mon vélo, je me bats contre moi-même ... pas contre la rigide bêtise de l'administration d'une Nation en crise cachée.
Sans rancune, ce beau proverbe en hommage au désert et à sa culture.
Je dois donc faire autrement. 
Adieu Maghreb ! Ou plutôt au revoir. Toutes mes amitiés aux peuples méditerranéens. Cette histoire ne m'en rend que plus solidaire avec eux. 

dimanche 1 mai 2016

Dégonflé !

Sans doute me suis-je laissé influencé par la comptine que me rappelait ma maman 

Ces trois derniers jours ont été marqués par une météo difficile, qui m'ont fait d'autant plus apprécier les retrouvailles et la haute protection de Franck et de Gigi et de leurs amis qui m'ont permis de me reconstituer. 
Quand j'ai lu sur ma météo portative qu'il y avait une prévision de neige sur les deux étapes à venir : j'avoue que ça m'a refroidi à l'aube d'une semaine cruciale. Le vent contraire, les montées je veux bien … mais pas la neige ! C'est une mesure anti-cycliste. Comme disait Aragon : un temps déraisonnable.
Je partirai donc demain. Ça tombe bien : c'est un lundi et j'aurais 5 jours pour savoir si je passe ou pas les Pyrénées. Je n'ai toujours pas de visa pour l'Algérie à près de trois mois après ma demande auprès du consulat de Pontoise. Si je n'ai pas de visa, plus question de passer par l'Espagne ni le Maghreb pour aller en Sicile. Il n'y a même pas de bateau. Je n'ai plus qu'à passer par l'Italie, comme tout le monde … C'était  bien la peine. Bref, un changement de programme radical. Une Italie revisitée, sans doute, que je rejoindrai par la France du sud … et qui me permettra de revoir toutes ces cités à coté desquelles je suis passé depuis 40 ans, m'enfin, le plaisir n'est pas le même. Enfin, comme dit la chanson : che sarà, sarà… A ne pas confondre avec que serà, serà … Enfin, je dis ça, parce que j'avais confondu moi-même. 
La maison d'enfance de Genevière, à présent, sa fille y vit.
Bref, avant de partir de Lairière, sans doute demain, pour une étape qui se promet d'être très difficile, je voulais rendre hommage à Geneviève Pech, que de nombreux lovériens connaissent et qui s'est installée juste à coté à Lanet
Pourquoi Lanet ? Ben parce que tout simplement, c'est son village d'enfance, celui qu'elle a quitté, comme dans la première chanson avec plus de rébellion que de nostalgie. 
L'école communale où Geneviève a passé le certificat
d'études à 12 ans, pour partir plus vite.
Le village sans doute créé au XIIe siècle autour de l'église et du château, se transforme. Plus d'école, plus de poste … On n'y parle plus guère catalan, un peu le français mais souvent avec l'accent pointu du nord, mais aussi anglais, allemand… Qu'importe le village part joyeusement pour une nouvelle vie. Geneviève y a transporté son compagnon, y a installé sa fille, et participe à l'animation du village et des fêtes alentours. Flatté qu'elle ait voulu me voir, j'ai parcouru les 20 km qui séparent les deux villages pourtant voisins. 
L'église aussi vieille, aussi belle que le village
Geneviève, à Louviers comme dans tous les lieux qu'elle a investi depuis qu'elle a quitté son village, n'a jamais perdu son accent … ni son nom : Pech. Parait qu'en catalan ou en Pyrénéens, ça voudrait dire le mont. Mais Pech, en français, ça s'entend pêche. Et tel qu'on connaît Geneviève, ça ne pourrait pas s'entendre autrement. 
Geneviève Pech (Pêche ?) fait visiter ses terres à Ghislaine
Baudet et Franck Martin
Allons, demain, il faudrait pousser sur les pédales et affronter les éléments. L'heure est à la préparation mentale.