vendredi 29 avril 2016

De Montpellier à Lairière … vidéo comprise

Kurt Vonnegut Junior, un de mes maîtres à penser,  disait que le voyage, c'est rassurant. C'est pas faux, dans le sens où le voyageur ne doit rien à personne. Il est en fuite par définition. On peut voir ça comme ça. 

Le Berceau du Chat (où est le berceau,
où est le chat ?) de K. Vonnegut Jr,
m'a durablement marqué. Son plus connu
reste Abattoir 5 ou la croisade des enfants.
Il y en a d'autres, où tout est bon.
Il n'empêche, le voyageur ne sait jamais ce qui l'attend. Bonnes ou mauvaises surprises, mais surprise assurément jalonnent son chemin.  C'est au fond ce qui distingue le voyageur du touriste. Humble est le voyageur, arrogant le touriste. 
Je pensais que l'accueil de Franck et de Gigi serait chaleureux mais je savais qu'en la matière, il n'y a jamais rien d'automatique. Quand on se pointe en squatteur envahissant, on ne sait jamais dans quel état d'esprit va se trouver la maisonnée. Le voyageur est hors du temps. Le cyclo-campeur encore plus. Qui plus est, il faut dire les choses : Lairière est en zone blanche. Quand on appelle, non seulement on n'est pas sûr  d'avoir quelqu'un au bout de la ligne, mais on plus, ce qui est à présent inconcevable à l'heure de la généralisation du portable, on n'est pas certain que  l'interlocuteur sache qu'on l'a appelé.   
Il doit y avoir à peu près 170 km de Montpellier à Lairière. 
A vrai dire, c'était présomptueux de vouloir faire une pause
le midi à Béziers. Je me suis arrêté bien avant, à l'abbaye
de Vignemale. Beau lieu et beaucoup de touristes
à qui l'on vendait le bon vin. Pour ma part, je n'ai pris qu'un
peu d'eau de source. 
Tout s'est très bien passé au début. Un vent assez fort, certes, mais pas pleine face .. Et une quasi-piste cyclable jusqu'à Pézenas. Je comptais dès le départ faire une pause à Béziers … à cause du canal du midi. En même temps j'avais une certaine réticence de pénétrer cette cité tenue par cet ancien gauchiste défenseur des droits de l'homme et du journaliste et qui est passé au Front National en deux temps trois mouvements. Soutien aux défenseur de l'Algérie Française et lutte contre le linge aux fenêtres et les cacas de chien … dont il veut faire l'analyse adn pour retrouver les propriétaires. Je vous jure, c'est pas une blague !
Un pont de Béziers, sur l'Aude. Malgré sa soumission à la
vulgarité politique, la ville garde  son charme.
Reste que j'ai de la sympathie pour cette ville, le canal du midi et jusqu'à son nom qui conjugue phonétiquement l'un des verbes les plus joyeux de la langue française … même si c'est au passé. De fait, sur la route, je me mettais à chantonner une joyeuse chanson de Marie-Paule Belle, la biaiseuse … dont je me rends compte, après recherche qu'elle est en fait très ancienne, et que même Anny Cordy en avait fait une interprétation en 1954. 
Allez ! Un petit bout de canal du Midi quand même … Le
site des 9 écluses était en réparation. Je n'en ai pas
profité comme il fallait. Reste que j'ai pu le longer
quelques kilomètres jusqu'à Colombier, avant de
rejoindre la route de Narbonne.
Bref, comique de situation, en m'approchant de Béziers, je voyais des femmes, plus ou moins jeunes sur le bord de la route, dans l'attente du client. Elle devenaient de plus en plus nombreuses à l'abord de la route. Je leur souriais gentiment et me mis à chanter de registre en passant à la complainte des filles de joie de Georges Brassens. 
Rien à dire sur ce paysage qui agrémentait mon parcours, ces femmes qui souvent étaient au bout de leur portable. Parfois me saluaient. Souvent ne parlaient pas français, plutôt roumain, mais je n'en suis pas sûr. Pour dire la vérité, je ne parle pas du tout le roumain. Je n'aurais qu'un reproche à leur faire. En sortant de Béziers, en direction de Narbonne, elles étaient en fait si nombreuses qu'à chaque fois que je cherchais un endroit pour faire un petit pipi, j'étais contraint d'y renoncer … Eviter la confusion des genres, n'est ce pas. Bref, j'ai dû attendre une dizaine de kilomètres pour m'épancher selon mes besoins. 
Passé Narbonne, tout a été beaucoup plus simple.
Je me suis arrêté à quelques kilomètres de Lairière, dans le village de Saint-Laurent de la Cabrerisse. Ça m'amusait parce que comme c'était un peu long pour un panneau routier, il prenait pour dénomination Saint-Laurent Cisse, et je l'appelais dans ma tête Saint-Laurent Saucisse. Arrivé là, je ne souhaitais que faire un point, prendre un dernier café et tenter de joindre Franck pour lui dire que je n'étais pas très loin de chez lui … Une trentaine de kilomètres quand même … les plus durs. On entre  alors dans les contreforts pyrénéens. Le bistro était étrange. Le personnage le plus vivant en était un perroquet qui tentait un peu de conversation. Pour le reste, les quelques personnes attardés autour d'une bière dont on ne savait s'ils étaient clients ou tenanciers semblaient se faire un peu la tête. 
J'ai réussi à avoir Franck au téléphone, lui dire où j'en étais, recharger portable et gps c'était là l'essentiel. Il fallait éviter d'être pris par la nuit et la route était longue. Je suis parti… poor lonesome cyclo-campeur. 
Surprise, au bout de quelques kilomètres : une voiture s'arrête face à moi, Franck au volant. Je me dis qu'il me fait le coup de Jean-Philippe qui avait été me chercher et me charger à Saint-Martin de Crau, trouvant que j'arrivais un peu tard. 
Pas du tout ! Franck s'arrête, me salue. Prends mes bagages, sort sa caméra et m'interviewe comme si je venais de gagner une étape du Tour de France. 
Puis reprend le volant et me laisse terminer les 20 kilomètres de montée (légère au début puis de plus en plus sévère). 
Bon, comme dirait l'autre, un penseur de La Rochelle : T'as des pédales, alors tu pédales ! 
Pendant ce temps, Franck me filmait, m'encourageait et, quand même, avec quelques kilos de bagages en moins et le regard amical, l'effort est nettement moins pénible. 
Ne pas tomber dans le panneau ! Il reste encore un bon
kilomètre d'ascension avant d'arriver
Reste qu'au bout de trois kilomètres de côte entre 6 et 8 % le village de Lairière s'annonce. Ne reste qu'à le traverser. Là : surprise. Je reçois des encouragements des passants : "c'est plus très loin, vous êtes arrivé" … et au sortir du village, au pied de la maison de Gigi et de Franck: comité d'accueil, le maire, des amis … Bref : j'étais la vedette. 
Voilà qui m'oblige à présent. Voilà qui m'oblige vis à vis de ceux qui m'ont encouragé ce soir là, comme vis à vis des lecteurs de mon blog, comme vis à vis de ceux qui m'encouragent sur face book, comme vis à vis de La Dépêche qui a mis un petit mot sympathique dans ses indiscrétions. Voilà, il y a des fois, je ne suis pas un voyageur solitaire …
Ci-dessous, la vidéo réalisée par le grand Franck Martin et dont je ne suis qu'un modeste acteur.



Diasporama

Je ne dirai pas que j'ai quitté Louviers pour retrouver Louviers. Et pourtant …
Olivier Aubert, plein vent ! Le début de la troisième série.
D'Olivier Aubert, à ses amis Daniel et Colette, d'Olivia Paoli à Franck Martin et Ghislaine Baudet puis à la rencontre inattendue de Geneviève Pech et puis à celle de Sonia, ma quasi-nièce de Val de Reuil,  même si j'ai loupé Marie-Hélène et Christian Gâteau … j'aurais eu maintes fois l'occasion de me relier à mon port d'attache. 


Bien sûr, selon les histoires et les individus, le niveau d'attachement à la ville n'est pas le même. Il n'empêche, même chez Daniel et Colette, qui ont délibérément fait le choix de s'installer à Hyères, dans le grand sud, et qui ont fait ce choix il y a longtemps, Louviers, son environnement, disons, le territoire de l'agglomération de Louviers et ce qui s'y est vécu est terriblement présent. 
Je repense à la très belle formule de Clemenceau : quand on est jeune, c'est pour la vie… à laquelle Daniel rend hommage par sa propre existence. Ce qu'un individu réussit à vivre entre 15 et 25 ans le poursuit intensément. L'amitié d'Olivier et de Daniel s'est forgée dans la rébellion, dans le refus du sort que la société leur avait assigné en tant que fils d'ouvrier, un emploi technique dans un lycée technique et une vie dont l'essence même devait être de ne surtout pas déranger. 

D'Hyères à demain

Pas de Camargue sans taureaux. A Aigues Mortes, on
propose jusqu'à plus soif des saucissons de taureau.
Ainsi ont-ils réussi à se faire virer de leur lycée de Louviers et à réussir leur vie… parce qu'à l'analyse, l'épreuve personnelle subie par Olivier Aubert, les difficultés qu'il continue à vivre, ne contredisent pas le fait qu'on peut dire qu'il aura eu une vie riche, quoi qu'il advienne à présent. Et la force de son amitié avec Daniel, s'est précisément forgée dans ces moments de rébellion qu'ils ont vécu en commun. C'est un alliage des plus puissants… 
Après, Daniel comme Olivier ont eu des vies bien différentes et éloignées, mais ils ont su se retrouver aux moments cruciaux. On ne quitte pas Louviers comme ça. Il en reste toujours quelque chose. Une nostalgie, une blessure, une cicatrice, ou le souvenirs de bonheurs, de moments de joie qu'un oeil éclairé, un sourire plus ou moins large laisse percevoir. 
Alors quoi, aurais-je été déçu du fait que de ce midi, je recueille avant tout des témoignages lovériens ? On pourrait dire : si c'est comme ça, pas la peine de faire tous ces kilomètres à vélo ! Le mistral, les vents divers, crevaisons et petites misères, les efforts parfois pénibles … tout ça pour aller rechercher Louviers que tu avais à portée de main … 
On pourrait dire ça… Mais ce serait bien misérable. En fait, autant d'exils, même provisoires, autant de regards, autant d'éclairages sur ma ville, sur ma vie. 
Quel point commun entre les visions d'Olivier, d'Olivia, de Franck, de Geneviève, de Daniel, de Gigi, d'autres encore ? Ben, finalement, moins le point commun qui est intéressant, que les différences. 
Etang de Camargue. Du riz, des moustiques, sans doute,
mais pas de piqûres durant la traversée
Geneviève retrouve des années après le village de son enfance à Lanet.  Elle l'a heureusement quitté à l'adolescence et a par la suite marqué la vie lovérienne comme tous les lieux par lesquels elle est passée. Cela méritera  un épisode sur ce blog. Olivia, elle, ouvre un nouveau chapitre dans son existence. Elle est partie il y a trois mois à peine et garde encore les mots et les regards de ceux qui se sont sentis abandonnés. Ghislaine, elle, reste marquée et Franck est plus lovérien que jamais … Tout cela me fait penser à ce que j'ai pu vivre en Angleterre, lorsque j'y ai passé une longue année : les séjours à l'étranger vous font sentir profondément français. 
Alors voilà, je suis parti d'Hyères encore ému par le touchant accueil d'Olivier Aubert et les récits de la jeunesse rebelle de Daniel, qui a évoqué la petitesse de Bernard Leroy et l'engagement et la générosité de Bernard Amsalem. 
En hommage à Olivia et Nina, cette vue au sortir de la
terrible montée du Castellet. Vision panoramique de
La Ciotat et de la Méditerranée. En compensation des
photos des charmants personnages que je n'ai pris le temps
de faire,  tellement pris par la conversation.  
J'ai quitté ce beau monde pour rejoindre Olivia au Beausset, avec sa délicieuse petite Nina. Une gamine de 3 ans ou presque, bien dans sa peau et qui ne passe pas sa vie à se faire engueuler … tant il est vrai qu'Olivia habite un lieu qui semble idéal pour les petits enfants … plain pied sur un petit jardin, dans une grande maison.
J'étais bien content d'arriver sur ses hauteurs après avoir subi le mistral toulonnais… 

Du Beausset à Saint Martin de Crau, via Gardanne

Le lendemain matin, hélas, j'ai eu le mistral qui descendait du circuit du Castellet que je remontais … Un vent contraire qui n'allait m'abandonner que le soir… à une quarantaine de kilomètres de Saint-Martin-de-Crau … Seule étape non-lovérienne de mon périple méditerranéen. Le mistral s'engouffre partout. 
Passage rapide par Gardanne. Je me perds un peu en route …Je vois un poste de police municipale. On montre patte blanche en sonnant avant d'entrer. Je demande ma route à l'accorte policier de service. Il m'explique… Puis, soudainement : vous avez un vélo ? Rentrez-le ! Et d'un air entendu avec un fort accent méridional : "ici, on n'est pas en Normandie". Première fois que j'entends parler de mon pays comme de celui de la douceur de vivre. Du coup, le policier m'a accompagné devant la porte et m'a indiqué directement le chemin … Avant de se rendre compte qu'il n'avait pas les clefs et ne pouvait plus rentrer. Il a eu le temps de me souhaiter bonne route.

des transports vraiment exceptionnels 

Jean-Philippe, m'a accueilli la nuit tombée, le temps de me parler de son magnifique métier d'organisateur de convois exceptionnels … Vous savez, me dit-il, ceux qui vous embêtent sur la route … 
Non, Jean-Philippe, les convois exceptionnels ne m'embêtent pas … désolé. Je les aime. Je les aime plus que les voitures rapides qui me frôlent … Je les aime aussi parce qu'ils ralentissent la circulation. Je les aime enfin, parce que j'aime tout ce qui bouge, tout ce qui voyage. Enfin, j'ai bien vu à quel point ce que Jean-Philippe transporte est à chaque fois un cas particulier qui nécessite une approche technique et professionnelle. Pas de routine dans ce métier. La plupart des transports ont d'ailleurs lieu de nuit. C'est une autre aventure que celle du cycliste solitaire, mais elle a au moins autant de valeur.
Le lendemain, départ pour Montpellier. Passage par Arles, trop vite … puis la Camargue, les taureaux, les chevaux, Crin Blanc … 
Pause à Aigues-Mortes, fortification due à Louis IX, pour
les troupes d'aller piller le sud de la Méditerranée. On a
appelé ça les Croisades. Aigues Mortes est à présent un
exemple typique de la transformation de site militaire en
lieu de délice touristique. 
Arrivée chez Sonia et Geoffrey … Geoffrey, c'est le fils de Frédérique … Celle qui a couronné mon étape la plus difficile. Bien sûr, avec Sonia, avec Geoffrey, on n'a pas beaucoup parlé de souvenirs, de Louviers, de Val de Reuil. On a parlé d'avenir et de présent. Sonia construit sa vie, avec Geoffrey. C'est leur aventure… Même si Sonia fait partie de la diaspora. 
Un échantillon de la diaspora vu de Lanet
Et puis, voilà, départ le lendemain de Montpellier pour Lairière, un peu plus de 150 km. Du vent, des montées, le canal du midi, Béziers, le Front National, des prostituées … sacrée étape mais cela fera l'objet du prochain épisode. 




samedi 23 avril 2016

Hyères commence aujourd'hui

... Et demain je serai parti.


C'était important d'arriver à Hyères. Pour des tas de raisons. D'abord parce que c'était le point le plus à l'est de mon zigzag. Je m'étais fixé cet objectif après Lyon, juste par ce que j'avais dit à Olivier Aubert que j'irais le voir dans sa nouvelle demeure. Pour tout avouer, j'avais aussi la curiosité de rencontrer Daniel et Colette, les amis d'Olivier Aubert qui ont joué un rôle majeur dans la sortie de sa spirale infernale. Les gens de qualité sont toujours trop rares. Ils valent toujours le déplacement.
Hyères donc, c'est déjà une sacrée étape. Même en voiture, même en train, ça parait loin ... alors en vélo ... Honnêtement et en toute modestie, ça valait bien tous les encouragements dont je me suis gratifié abondamment tout au long du parcours.
Le passage du Col, éprouvant mais émouvant.
Un col c'est un changement de paysage, au
moins, mais aussi un changement de région.
On ne change pas encore de pays, mais on entre
dans le pays d'Oc, au moins.
Entre les difficultés pour trouver des campings, l'absence de lieu d'hébergement programmés, entre Die et Manosque ... Les mauvaises surprises, le vent hostile, un temps qui n'était pas celui du printemps que j'espérais, je sentais bien que malgré la pluie, les noms respiraient de plus en plus le sud, entre les crus de Condrieu, de Côte Rôtie, de Crozes-Hermitage, Tain l'Hermitage ...au nord de Valence où le mistral me cueillit à froid lors d'une crevaison ... Une nouvelle, toujours la même, celle qui avait laissé des épines dans le pneu que j'ai dû changer  finalement, après trois vaines réparations ... conseil d'un bon cycliste samaritain, s'acharnant sur ma roue, pendant que le mistral profitait de ma pause pour redoubler de force et de froid ...
Bref ! Où en étais-je ? Ah oui, passage le lendemain par Die, passage du premier col, celui de Cabres altitude 1180 m.
De ce moment, on est dans le vrai sud. Le col marque la frontière entre l'ex-région Rhône-Alpes et la région Provence Alpes-Côte d'Azur.
C'est aussi l'occasion de descendre après la montée. Quelque chose qu'on a appris à mériter pendant près de 40 km d'une ascension légère puis de plus en plus forte.

Les roches des Mées, pour des nuits et des journées debout.
Un modèle pour ceux qui roulent assis ... en attendant
d'aller se coucher. De toute façon un paysage unique;
 
Descendre permet d'aller plus vite et de viser plus loin. J'ai voulu aller à Sisteron. J'y suis arrivé de bonne heure.

Je me suis dit que je pouvais continuer jusqu'aux Mées. Souvenir d'un paysage extraordinaire qui m'avait marqué il y a plus de 40 ans et dont je n'avais rien oublié.
J'ai failli le payer bien cher. Pas de camping aux Mées. Il faut pédaler mon vieux ! Et ceci m'a mené jusqu'à Manosque, que j'ai fui au petit matin.
Il ne me restait plus qu'à pédaler jusqu'aux bords

Le Verdon, à Vinon, loin des gorges mais où la
pratique du canoé attire un tourisme sportif.
de la Méditerranée, la mer chérie, dont j'ai l'intention de contourner sur une large part. En dépit d'un temps maussade, je traversais des paysages charmants dont j'avais entendu parler par ailleurs. Les rives du Verdon à Vinon, puis Verdières, lieu de chasse pratiqué par quelques amateurs Toulonnais.
La Verdière, où j'ai demandé où se trouvait des
cabanons. Il n'y a que ça, ici. Il n'y a que des
chasseurs, et du gibier. Toutes sortes de bêtes.
Il y a même des loups.
De là, une cinquantaine de kilomètres à avaler à la hâte en se disant que Hyères étant au niveau de la mer, ça ne peut plus que redescendre. Pas faux ! C'eût été un vrai plaisir si une pluie légère mais froide ne s'en était mêlé. Il n'empêche ! arrivée le soir à 20 h. chez Daniel et Colette ! en Normandie, il avait fait beau toute la journée ....
Bof, je n'avais pas fait plus de mille kilomètres pour du beau temps, ce n'était pas la raison première. C'est vrai ... Il n'empêche, un peu de soleil, j'aurais pu apprécier.
C'est ce que je fis le lendemain, avec Olivier Aubert. Visite de la ville le matin, en petite tenue et premier jour de vrai beau temps depuis le départ.
Olivier, entame un dialogue de 3 jours tout en me faisant visiter sa cité d'adoption.
Un atelier couture chez les Noailles ? Façon de
parler. Les grandes maisons de
couture se déplacent  pour le Festival.
 
Visite du château de Noailles. Charles et Marie-Laure de Noailles, les mécènes qui ont soutenu le surréalisme et lui ont permis d'exister en lui offrant une reconnaissance internationale. On est en plein dans ce qui fait la culture française, son identité dans le monde et la confusion entre la qualité, le poids politique, sa déclinaison économique, la spéculation financière et le snobisme. Quelque chose de fascinant et qui fait de Hyères bien autre chose que la destination touristique d'un tourisme de plage, ou un lieu d'extension de l'économie liée à la base militaire de Toulon toute proche.
J'arrive juste avec Olivier, et par le plus grand des hasards au cœur du 31e festival international de mode et de photographie à Hyères.
De quoi s'agit-il ? Nous abordons la manifestation en petite tenue. Des lovériens en goguette, se frottant au grand Paris qui descend sur la côte. Belles voitures sponsorisées Mercédès LVMH. Le Monde prend en charge la promotion de l'événement... Quelques panneaux France culture ... ça

Emission en direct de France Culture qui va suivre le Festival.
Ça commence le 21 avril à midi.
Jusqu'à ce que nous assistions au cœur de la préparation du festival, aux débuts d'une émission en direct de France Culture.   
Bah dis donc ! ... De quoi se sentir encore plus touriste que nature.
Le fort de Brégançon, là-bas sur l'île, où les
paparazzi ont saisi Chirac en petit slip, voir en
rien du tout ... dit la légende. Aujourd'hui
accessible au public, sauf qu'il n'est pas
vraiment fait pour ça.
Et tant qu'à parler de tourisme, un petit œil au fort de Brégançon, réservé aux Présidents de la République et qui n'intéresse pas François Hollande  qui a voulu le rendre accessible au public, sauf que c'est précisément le lieu fait pour être protégé et inaccessible. Ça contrarie Olivier Aubert, en tant que Néo-Hyérais et peut-être par principe anti Hollandais. Va savoir, moi, sur le principe, je trouve ça bien, et pour ce qui est de ma vie à Hyères, elle s'arrête demain midi.
Merci pour ton accueil Olivier. Dommage, t'es pas gros,
mais tu caches un peu le fort de Brégançon derrière toi.
Merci Olivier. Tiens, un petit souvenir sur la plage où ta présence, malgré ta sveltesse, cache le fort de Brégançon...





lundi 18 avril 2016

Briare

Il fallait que je passe par Briare. Pas seulement par ce que c'était sur ma route, après tout, sa route, on se la choisit, mais surtout parce qu'Eric, un ami d'enfance m'avait fait signe et que ça m'avait interpellé. 
Je gardais de lui de vagues souvenirs, comme un énorme besoin d'amitié. On avait alors entre 12 et 14 ans, période riche et difficile, et d'autant plus incertaine qu'on était à l'époque de mai 68 auquel nous ne comprenions pas grand chose, ce qui ne nous empêchait pas de prendre parti... sauf que, déjà nous avions pris précisément parti dans des sens opposés.
Ça a d'ailleurs continué puisqu'il se situe tellement à droite de l'échiquier politique que je suis incapable de lire ce qu'il publie sur facebook.
Le fait qu'il habite à Briare me fascinait aussi au cause du pont-canal, ouvrage d'art dont la photographie ornait le bureau de mon collègue ingénieur François Brée. 
Que fait cet amphithéâtre ici, perdu au milieu de la route ?
 
Sur la route, je rencontrai un amphithéâtre romain dans un lieu improbable. 
Mais qu'est ce qui a poussé des hommes à construire un amphithéâtre ici même ? Un lieu de spectacle sans spectateur ... Puisqu'il ne reste aucune trace d'un habitat important. 
C'est là que je me suis souvenu d'une conversation avec une architecte des bâtiments de France qui m'avait expliqué que les églises n'étaient pas toujours construits au cœur des lieux de vie, mais prenait parfois place sur des lieux magiques, la religion chrétienne ayant bâti son succès sur sa capacité de récupérer tous les mythes existants. Ainsi en est-il des amphithéâtres sans doute, témoignage du besoin des hommes de se rassembler et de la dimension magique du spectacle. Cela valait en tous les cas de prendre une photo.
J'avais prévu de retrouver Eric à 19h. Et je suis arrivé au point prévu à ... 19 heures. C'est bien la seule fois depuis le début du voyage que cela m'est arrivé !
Nous avons parlé quelques heures, trop courte sans doute, mais où l'on s'est dit des choses essentielles, comme le fait qu'un demi siècle plus tard, entre un pré-adolescent et un retraité de 61 ans, il reste toujours l'essentiel dans le phrasé, le regard, la voix. Ce qui permet à deux individus de se retrouver comme si c'était hier. Il me parlait de mon air paumé, étant ado, ce qui l'a visiblement séduit... paumé et créatif. Il m'a reparlé de sa mère, encore vivante et en forme à 103 ans et de son père, que je n'ai jamais rencontré et qui en était d'autant plus fascinant. Eric était enfant de divorcé ce qui était peu commun à l'époque. Il m'a parlé de l'histoire de son père, et de la nature de son engagement dans la Résistance, qu'il estimait dû au hasard ...
Tu parles d'un hasard ! Le père avait été arrêté par les collabos, probablement parce qu'il avait un nom pas français. Il avait été torturé avec des fers à repasser. Il avait été humilié puisque déshabillé pour vérifier qu'il était circoncis, ce qu'il n'était pas ... et puis il s'était évadé probablement en tuant un de ses gardiens. Récit époustouflant, qui raconte si bien le rôle de la connerie alliée à la violence dans l'histoire. Comment l'enfant d'un tel récit peut il en être amené à collaborer, c'est le mot, avec les héritiers historiques de la milice, c'est à dire le Front National ? 
Je veux bien écouter tout ce qu'il me raconte, le fait qu'il se sente stigmatisé en tant que petit patron, pourtant gagnant infiniment moins qu'un cadre moyen d'une grosse boîte, le fait qu'il y ait des gens qui profitent du système d'aide sociale ... Bon, mais de là à s'acoquiner aux représentants de la connerie et de l'exclusion ... Je dois dire, les bras m'en tombent mon cher Eric. D'autant que tu fais le plus beau des métiers : imprimeur !(je ne parle pas de celui pourtant respectable de videur de boîte de nuit que tu as pratiqué à tes moments perdus ... ) Il doit y avoir un épisode que j'ai loupé. 
Tout cela en tous les cas, fait partie intégrante du voyage ... Ces rencontres renouvelées qui permettent d'aller à la connaissance de soi par les autres. Je retiens aussi ces réflexions sur les arts martiaux que tu pratiques solidement depuis des décennies.  Moi je ne les ai abordé qu'en touriste : kung fu, karaté, boxe française ... Je retiens de tout cela que finalement, ce qu'on a appelé harmonie, en traduisant comme on le pouvait la notion orientale, pouvait aussi s'approcher de la notion de cohérence, voire aussi de celle de confort.
Le fameux pont-canal de Briare au petit matin
Reste aussi les paysages... Même si je m'en veux de ne pas avoir pris Eric en photo. La discussion a été trop riche pour que je pense aux formalités. Reste les paysages disais-je. Avant de partir le lendemain, j'ai fait un tour pour voir le pont-canal de Briare, le plus long de France, peut-être d'Europe... Quelque chose d'Escherien. L'eau qui passe au dessus de l'eau, sans se mêler. En voilà une image. 
L'oeuvre d'Escher à laquelle me ramène le Pont canal



dimanche 17 avril 2016

Tous les chemins mènent à Lamartine

J'en connais qui diront : encore une erreur de GPS, et ils n'auront pas tord. Pas tout à fait, c'est vrai, mais il est vrai que l'outil farceur a pris toute sa part dans l'aventure qui m'est arrivée lundi dernier. 
Charlotte, devant ses œuvres, à Lusigny
Mais cela n'empêche pas le sage de considérer alors que ces blagues sont après tout l'instrument paradoxal du destin. 
J'avais, en toute quiétude, quitté Lusigny le matin non sans avoir insisté auprès de Charlotte pour la prendre en photo devant ses travaux comme me l'avait demandé Marie-Hélène ... sauf que Charlotte qui après des études de psycho, s'est lancée dans la calligraphie romaine et arabe avait vendu toutes ses œuvres. Elle n'a pas pu me montrer grand'chose. Elle était revenue à Lusigny pour se remettre à l'ouvrage, justement.
Tout semblait donc aller pour le mieux au départ de Lusigny, il n'y avait guère qu'un léger problème de gps, qui m'indiquait qu'il n'existait pas de chemin de la Rochette à Milly Lamartine, censée être la commune où devait m'accueillir Frédérique, mais qu'il en existait un en revanche dans la commune d'à côté, La Roche Vineuse. Le Gps promettait d'ailleurs de m'y conduire. 
J'oubliais ce point très rapidement, découvrant à mon grand désarroi que mon pneu se dégonflait lentement à l'arrière. Précisément, là où j'avais déjà fait une première réparation. Je décidai de regonfler la roue, histoire qu'elle tienne jusqu'à un endroit où je pourrais procéder avec plus de confort. Ce fut à Dompierre sur Besbres qu'une petite pluie qui ne demandait qu'à croître m'annonça la relativité dudit confort que je trouvai toutefois dans une station essence qui m'offrit un abri réparateur. J'arrachai comme je pu le reste d'une épine tenace à laquelle je n'avais pas pris garde en forêt de Fontainebleau. Bref, après cet arrêt intempestif, je repartis d'un bon pneu vers de nouvelles aventures qui m'amenèrent à profiter du mieux possible d'une voie verte longeant le canal latéral de la Loire jusqu'à Digoin. 
Je tenais alors cette commune comme étant la capitale de l'escargot de Bourgogne. Elle a aussi une autre particularité, celle d'abriter un deuxième pont canal après celui de Briare, étape que je n'ai pas encore décrite ... mais j'y viendrai, j'y viendrai.
Je voulais prendre l'ouvrage en photo. Erreur ! Il y a des jours comme ça ! La batterie de mon portable rendit l'âme sans même que je puisse prendre la photo, et ouvrit la voie des difficultés à venir. 
Je repris ma route jusqu'à Paray le Monial, patrimoine touristico-religieux, en espérant y trouver un café pour recharger les batteries, et trouver la carte routière du coin. 
Je n'obtins ni l'un ni l'autre. J'ai passé plus d'une heure à écouter la musique choisie par l'accorte serveuse qui chantait ses morceaux préférés pendant qu'en terrasse un prêtre s'attardait. Mais ça ne voulait pas recharger mon portable qui restait sans voix et m'interdisait toute relation avec Milly Lamartine. 
Je poursuivis donc mon chemin et arrivai la nuit tout juste tombée à La Roche Vineuse. Le Gps m'indiquait un chemin de pierre dont la pente dépassait les 15 %. Bof, il me restait 900 m. à pousser la machine, et forcément, le nom même de chemin de la Rochette indiquait après tout que le lieu se situait sur les hauteurs.
J'y parvins après maintes difficultés, la première venant du fait que le chemin indiquait par le gps était tellement privé que, sur le point d'arriver sur la belle église située sur les hauteurs, et au pied du chemin, je me trouvai face à un portail fermé à clef.
Demi-tour ... puis détour, et enfin, analyse de tous les noms figurant sur les boîtes à lettres avant d'admettre que ce long chemin n'était pas le bon. 
J'aurais volontiers tout laissé tombé, seulement voilà, je me sentais redevable envers Frédérique à qui j'avais annoncé ma venue.
Je me dis qu'à ce moment, je n'avais que deux solutions, soit renoncer, soit de chercher dans la voisine Milly-Lamartine, un autre chemin de la Rochette, au dépit de mon gps. 
J'ai fini par le trouver, non sans avoir fait plusieurs allers retours et connu la panne d'éclairage sans laquelle une virée nocturne ne serait pas une aventure.
Mais, je me dis : n'importe ! ... J'ai tout prévu. Et de fait je sortis de mes bagages une lampe frontale qui ne demandait qu'à sortir de son emballage qui, de plus contenait les piles adéquates. Afin de pouvoir le faire en toute sécurité, j'amenais mon vélo en un lieu où je puisse profiter au moins de l'éclairage public pour cette opération bénigne et sensible qui consiste à mettre les piles dans le bon sens tout en étant soumis à une grande fatigue. 
Il était une heure du matin. Pile (c'est le cas de le dire !). Je le sus parce que c'était l'heure choisie par la commune pour l'extinction des feux.
Je ne m'arrêtai pas là et je réussis l’opération du premier coup.   
Il ne me restait plus qu'à retrouver l'indication d'un lieudit La Rochette, que j'avais aperçu peu avant ... et compter sur la chance.
Elle intervint un quart d'heure plus tard sous la forme d'une lumière dans l'appartement situé au dessus de l'école. Un insomniaque ! La chance de ma vie.
L'école de Milly Lamartine. Au dessus, le logement de fonction.
Après, il ne restait plus qu'à suivre ses indications, remonter et redescendre la rue de la Rochette avant de me dire que décidément, le nom de Frédérique n'y apparaissait pas et que ce n'était ni mon jour ni ma nuit, jusqu'à ce que je repère qu'au côté de la sonnette sans nom, il y avait une boite à lettre avec le bon nom. 
Pas de lumière ... mais au point où j'en étais, je me décidai à sonner un coup bref, en me disant que si ça ne répondait pas, je pousserais jusqu'à Mâcon où je trouverai bien un hôtel. Il était hors de question que j'insiste.
Un battement d'aile répondit à la sonnette. Puis un "ouaf" sympathique d'un toutou calme. Puis une lumière qui s'allume au loin. Puis une interrogation dans la nuit "Olivier ?"
Je pouvais enfin souffler, m'excuser, me ré-excuser, et m'excuser encore.
Paysage vu de la Rochette, au fond à gauche, c'est Vergisson
Bien sur, j'ai eu peu l'occasion de parler avec Frédérique, juste eu le temps d'apprécier sa grande bonté, et son histoire... Car non seulement elle m'a tenu conversation à 1h30 du matin, en devant se lever à 4h, mais elle a aussi expliqué son histoire entre 7h et 7h30 du matin.  Magnifique ... même si j'en reste mort de honte, plus d'une semaine après l'événement. 
La roche de Solutré ressemble à celle Vergisson mais n'a pas la même histoire
J'avais vécu l'étape la plus dure de mon épreuve. Je sais que j'en aurais d'autres, mais là, après tout, il n'y avait plus qu'à aller vers Lyon, en passant par Mâcon, ce qui me permit d'admirer la vraie roche de Solutré que l'on aperçoit à partir de la voie verte qui fait le tour de Mâcon.

 

 Mais bien sûr, avant tout cela, j'ai fait un petit pèlerinage à la maison de Lamartine, qui a donné son nom à la commune.