Kurt Vonnegut Junior, un de mes maîtres à penser, disait que le voyage, c'est rassurant. C'est pas faux, dans le sens où le voyageur ne doit rien à personne. Il est en fuite par définition. On peut voir ça comme ça.
Le Berceau du Chat (où est le berceau, où est le chat ?) de K. Vonnegut Jr, m'a durablement marqué. Son plus connu reste Abattoir 5 ou la croisade des enfants. Il y en a d'autres, où tout est bon. |
Je pensais que l'accueil de Franck et de Gigi serait chaleureux mais je savais qu'en la matière, il n'y a jamais rien d'automatique. Quand on se pointe en squatteur envahissant, on ne sait jamais dans quel état d'esprit va se trouver la maisonnée. Le voyageur est hors du temps. Le cyclo-campeur encore plus. Qui plus est, il faut dire les choses : Lairière est en zone blanche. Quand on appelle, non seulement on n'est pas sûr d'avoir quelqu'un au bout de la ligne, mais on plus, ce qui est à présent inconcevable à l'heure de la généralisation du portable, on n'est pas certain que l'interlocuteur sache qu'on l'a appelé.
Il doit y avoir à peu près 170 km de Montpellier à Lairière.
Tout s'est très bien passé au début. Un vent assez fort, certes, mais pas pleine face .. Et une quasi-piste cyclable jusqu'à Pézenas. Je comptais dès le départ faire une pause à Béziers … à cause du canal du midi. En même temps j'avais une certaine réticence de pénétrer cette cité tenue par cet ancien gauchiste défenseur des droits de l'homme et du journaliste et qui est passé au Front National en deux temps trois mouvements. Soutien aux défenseur de l'Algérie Française et lutte contre le linge aux fenêtres et les cacas de chien … dont il veut faire l'analyse adn pour retrouver les propriétaires. Je vous jure, c'est pas une blague !
Un pont de Béziers, sur l'Aude. Malgré sa soumission à la vulgarité politique, la ville garde son charme. |
Bref, comique de situation, en m'approchant de Béziers, je voyais des femmes, plus ou moins jeunes sur le bord de la route, dans l'attente du client. Elle devenaient de plus en plus nombreuses à l'abord de la route. Je leur souriais gentiment et me mis à chanter de registre en passant à la complainte des filles de joie de Georges Brassens.
Rien à dire sur ce paysage qui agrémentait mon parcours, ces femmes qui souvent étaient au bout de leur portable. Parfois me saluaient. Souvent ne parlaient pas français, plutôt roumain, mais je n'en suis pas sûr. Pour dire la vérité, je ne parle pas du tout le roumain. Je n'aurais qu'un reproche à leur faire. En sortant de Béziers, en direction de Narbonne, elles étaient en fait si nombreuses qu'à chaque fois que je cherchais un endroit pour faire un petit pipi, j'étais contraint d'y renoncer … Eviter la confusion des genres, n'est ce pas. Bref, j'ai dû attendre une dizaine de kilomètres pour m'épancher selon mes besoins.
Passé Narbonne, tout a été beaucoup plus simple.
Je me suis arrêté à quelques kilomètres de Lairière, dans le village de Saint-Laurent de la Cabrerisse. Ça m'amusait parce que comme c'était un peu long pour un panneau routier, il prenait pour dénomination Saint-Laurent Cisse, et je l'appelais dans ma tête Saint-Laurent Saucisse. Arrivé là, je ne souhaitais que faire un point, prendre un dernier café et tenter de joindre Franck pour lui dire que je n'étais pas très loin de chez lui … Une trentaine de kilomètres quand même … les plus durs. On entre alors dans les contreforts pyrénéens. Le bistro était étrange. Le personnage le plus vivant en était un perroquet qui tentait un peu de conversation. Pour le reste, les quelques personnes attardés autour d'une bière dont on ne savait s'ils étaient clients ou tenanciers semblaient se faire un peu la tête.
J'ai réussi à avoir Franck au téléphone, lui dire où j'en étais, recharger portable et gps c'était là l'essentiel. Il fallait éviter d'être pris par la nuit et la route était longue. Je suis parti… poor lonesome cyclo-campeur.
Surprise, au bout de quelques kilomètres : une voiture s'arrête face à moi, Franck au volant. Je me dis qu'il me fait le coup de Jean-Philippe qui avait été me chercher et me charger à Saint-Martin de Crau, trouvant que j'arrivais un peu tard.
Pas du tout ! Franck s'arrête, me salue. Prends mes bagages, sort sa caméra et m'interviewe comme si je venais de gagner une étape du Tour de France.
Puis reprend le volant et me laisse terminer les 20 kilomètres de montée (légère au début puis de plus en plus sévère).
Bon, comme dirait l'autre, un penseur de La Rochelle : T'as des pédales, alors tu pédales !
Pendant ce temps, Franck me filmait, m'encourageait et, quand même, avec quelques kilos de bagages en moins et le regard amical, l'effort est nettement moins pénible.
Ne pas tomber dans le panneau ! Il reste encore un bon kilomètre d'ascension avant d'arriver |
Voilà qui m'oblige à présent. Voilà qui m'oblige vis à vis de ceux qui m'ont encouragé ce soir là, comme vis à vis des lecteurs de mon blog, comme vis à vis de ceux qui m'encouragent sur face book, comme vis à vis de La Dépêche qui a mis un petit mot sympathique dans ses indiscrétions. Voilà, il y a des fois, je ne suis pas un voyageur solitaire …
Ci-dessous, la vidéo réalisée par le grand Franck Martin et dont je ne suis qu'un modeste acteur.
Bravissimo Olivier !!! Merci à Franck pour ce super-reportage.
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