Mon premier arrêt sur la route de Rome a été pour m'acheter une bouteille de gaz, à Bolsena. Je voulais prendre exactement la même mais le ferramenta, le quincaillier dirait-on en français, m'incite à prendre une bonbonne plus grosse en m'assurant que ça ira très bien. Comme il n'en a pas d'autres, je prends le risque.
Il fait beau. Je suis encore dans un paysage lacustre et la capitale n'est pas lointaine. J'ai pour objectif de parvenir à Rome avant 19 h, histoire de profiter une dernière fois des structures d'accueil de la voie Francigène. Je n'ai plus qu'à pédaler après tout, je suis venu pour ça.
Le début du parcours est assez agréable. Je continue à assurer en suivant la Via Cassia jusqu'à Viterbe. Je ne suis pas surpris d'y rencontrer la première étape vraiment chaude depuis le début. N'est-ce pas la preuve, après tout que j'arrive à Rome, ou presque.
Viterbe s'annonce comme cité papale. N'empêche que le souvenir le plus fort que je garde de Viterbe est celui d'un fleuriste, à proximité du cimetière. Il y a là un robinet destiné à la marchandise qui se défraîchit au soleil. Je m'y abreuve et remplit mes gourdes en me disant que je trouverai dans la ville un endroit pour pique niquer. Une femme m'approche et me demande si on peut boire de cette eau. Cela m'amuse. Voila une question que je ne me suis pas posé. J'avais soif, il y avait de l'eau, je me suis servi. Je poursuis ma route jusqu'aux portes de la ville où le noms des places montre que les fontaines ont un rôle essentiel.
Je ne visite pas la riche cité. Ce sera pour une autre fois. L'Ostello Marello m'attend, dernier point du pèlerinage que je n'ai pas fait.
Le reste de la route m'annonce aussi le sud, en quelque sorte. Très vite, la Via Cassia se transforme en voie rapide, je ne choisis pas de rouler sur la bande d'arrêt d'urgence ... mais il n'y a pas de choix. Alors j'y vais serrant les fesses, en particulier lorsque la route s'élève, même légèrement. Parce que j'y avance beaucoup moins vite et que je me fais doubler, frôler parfois, par les poids lourds qui eux gardent la même vitesse. Je quitte il est vrai, de temps en temps, la bande d'arrêt d'urgence, tout simplement parce que la végétation n'y est pas entretenue et que je me vois contraint à rouler là où j'ai encore moins le droit de rouler. Je connaîtrai ce sort sur de nombreuses routes et de nombreuses fois, même si je ne le sais pas vraiment encore. Je ne suis pas fier. J'arrive quand même à me trouver quelques moments de détente, comme cette banderole déposée sur une passerelle surplombant la route : "Sylvie, 'sto scemo ti ama" ... Eh oui, Sylvie est aussi un prénom donné en Italie ... "Sylvie, cet idiot t'aime", voilà une belle annonce et cela pourrait même être le début d'un roman ... Qui est Sylvie, qui est cet idiot, qui a dit qu'il était idiot ? Je prends le temps de m'arrêter pour photographier. Inutile de dire que ce sera ma seule pose.
Au milieu des banderoles publicitaires, un beau message d'amour destiné à Sylvie. "Cet idiot t'aime". Pas signé, dommage. |
Tel n'est pas le cas. Ce n'est pas l'essentiel. Après avoir franchi le portail, rangé mon vélo et franchi les marches qui m'amènent à l'accueil assuré par une bonne-sœur. Ce sera 25 €, rien à voir avec ce que j'ai pu connaître à Aulla. Le clergé s'est professionnalisé. Il n'y a pas de discussion sur les prix, pas de réflexion sur le voyage. J'ai une chambre pour moi tout seul, pas de quoi me plaindre.
Plus tard, je m'approche de deux pèlerins qui me
regardent bizarrement. Pour eux, je ne suis pas à la hauteur. Outre le fait que je ne sois pas un vrai pèlerin, je suis un cycliste, défaut rédhibitoire ... et je ne peux que leur donner raison. Après tout, la via francigena est avant tout un lieu de pèlerinage, et la marche lui donne tout son sens.
La via urbana, pas vraiment au coeur de la cité, mais pas vraiment loin non plus |
Sans doute j'attendais autre chose de Rome. Je participe en témoin à leur discussion. Il y sera
question du Japon, et du fait que les Japonais ont cru bon de mettre des marches sur les montées de leurs parcours, se qui empêche les marcheurs d'ajuster leur pas à la pente.
Il y sera aussi question d'Areva, l'un des interlocuteurs ayant été cadre, chargé de la gestion des coûts de l'entreprise. S'agissant d'Areva, accusé de toutes les dérives, le point de vue d'un contrôleur des coûts était forcément intéressant. Il explique la difficulté d'ajuster la logique de gestion et la logique politique, bien compréhensible en ce qui concerne le nucléaire et son enjeu stratégique.
Je quitte la discussion pour la rejoindre avec une bière que je m'étais promise ... Trop tard, les deux compères se sont séparés ... Tout juste l'homme d'Areva me dit qu'il a été reçu en audience par le Pape et qu'il a admiré ce que François a dit sur les réfugiés ... Sans doute, sans doute ... Je comprends aussi, dans toute ma modestie, qu'après avoir vu le Pape, on ne prête pas grande attention à un malheureux cyclo-campeur.
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