Une affiche de Miró de 1938 soutenant la lutte républicaine contre les militaires franquistes. "L'élan républicain espagnol étonnera le monde" |
Mais ce n'est pas ce qui permet de se retrouver dans cette ville vouée à la modernité. La Sagrada Familia, les tours de Jean Nouvel ou de Bofil, sont de meilleurs points de repères quand on quitte la rambla et les plages.
Mais non, on a beau faire, si Barcelona offre à chacun ce qu'il y cherche, les plages, le tourisme, les boîtes de nuit, les affaires, un grand port méditerranéen, l'architecture florissante d'une ville moderne, une ville d'art et de culture, et même un quartier ancien, Barcelone reste définitivement perturbante.
Sur la Rambla, hommage en catalan rendu à Andreu Nin, leader trotskiste assassiné par les staliniens. |
Dans un petit restau, la patronne m'explique qu'elle n'est pas catalane, elle n'a pas envie de parler d'indépendance. Elle parle castillan. Castillan ? Quelle drôle d'idée que de dire qu'on parle castillan, une façon de dire que l'espagnol n'est pas une langue, juste une réalité administrative. Comme si de la quasi totalité de l'Amérique du Sud, d'une forte minorité des Etats Unis, d'une partie de l'Afrique, des centaines de millions de personnes ne parlaient pas l'espagnol ? Quelle drôle d'idée pour les catalans de se priver d'une langue et d'une culture qui a tant donné au monde.
Sans doute, en choisissant d'imposer le catalan comme première langue, les indépendantistes n'empêcheront jamais la langue et la culture espagnoles de peser lourdement dans la réalité de ses locuteurs.
Je me souviens de mon professeur d'espagnol, Ilario Ortega, me reprenant alors que j'étais si fier de prononcer Juàn Miró, avec la jota espagnole, pour me dire que l'artiste se revendiquait Joan Miró, et que le Joan se prononçait avec un j à la française, suivi d'une nasale, comme chez nous. Bref, si les catalans étaient capables de parler d'Espagne, ils se sentent catalans depuis longtemps. C'est que la Catalogne a été une Nation, une nation qui a mis les pieds en Sicile ... et même la Méditerranée a porté le nom de "lac Catalan". Les Borgia sont catalans d'origine. Et les catalans ont eux aussi colonisé la Sicile, ou une partie, quelques années.
Gaudi, le grand architecte de Barcelone, revendiquait une Nation catalane. C'était l'époque des revendications nationalistes en Europe, la Grèce face à l'empire ottoman, l'Italie, comme remède à sa domination par les puissances étrangères ... Gaudi, lui, n'obtiendra une reconnaissance internationale que bien plus tard, Salvador Dalí, lui rendant notamment hommage. Et de fait, entre Miró, Gaudí, Dalí, il y a de quoi définir une influence catalane dans l'art plastique européen, d'autant que Picasso a eu droit à l'appellation peintre catalan, puisque formé à Barcelone.
Gaudi a été au cœur de toutes les influences d'un siècle qui a, de surcroît, permis l'extension urbaine de Barcelone. La ville avait été en effet interdite de construction hors les murs depuis 1700 par le pouvoir central.
Gaudi s'épanouit à un moment où l'Espagne s'affaiblit. Elle perd ses colonies et offre beaucoup moins d'intérêt économique à la bourgeoisie catalane qui, parallèlement, s'ouvre aux créateurs, même si ceux-ci donnent dans l'innovation sociale, comme Gaudi. Pour se convaincre que Gaudi est l'architecte le plus génial de son siècle, il faut se rendre à l'intérieur de la Sagrada Familia, même si le parc Güell éblouit. Dedans, on est autant pris par la cohérence du site que par le fait qu'on oublie tout ce que l'on vient d'admirer en s'approchant du site. Parce que Gaudi, dont les statues, comme autant de bizarreries, de colifichets, les créations nous ont émerveillé, se révèle enfin pour ce qu'il est : un grandiose architecte. Comment finalement juger un architecte, tant qu'il n'a pas construit d'église ?
Or c'est aussi parce qu'il a construit cette église qu'il a été rejeté d'abord par les anarchistes et républicains espagnols, et ensuite sans doute par les bigots franquistes incapables d'apprécier le génie du grand homme. Il aura fallu finalement Dali pour permettre enfin à Gaudi d'accéder à une reconnaissance internationale, empreinte de catalanité.
Et pourtant, loin des institutions et du discours officiel, lorsque Gaudi est mort accidentellement, il y a eu foule pour l'accompagner, alors que les funérailles n'étaient pas officielles et que la bourgeoisie bien-pensante le rejetait. Simplement, le peuple, avant tout le monde reconnaissait le génie de celui qui recherchait dans la nature la cohérence de sa fantaisie.
Tout cela m'a d'ailleurs été très sérieusement expliqué la dernière nuit de ma présence à Barcelone où j'ai pu assister lors de la nuit des musées à une exposition sur Gaudi.
Sardane générale sur la place de Barcelone. |
Pendant que je faisais la queue, j'ai été distrait par une sardane, organisée sur la place. Beaucoup de gens qui dansaient et prouvaient qu'on était bien en Catalogne. J'avais vu la même chose à Andorre, mais j'avais cru que c'était pour les touristes.
Beaucoup de vélos à Barcelona, beaucoup de publicité sur son bénéfice-santé, ici en espagnol chez Miguel. |
On m'avait fait acheter à Saint-Gaudens, une bande à placer au fond du pneu pour le renforcer et décourager toute épine, épingle et autre punaise de s'immiscer dans mon projet.
Miguel était contre. Miguel, c'est l'homme à qui j'ai confié l'entretien de ma bicyclette, et qui avait son magasin à coté de la location. Il m'a dit qu'il ne croyait pas au coup de la bande. Elle va finir par glisser me dit en particulier et en espagnol car il parle parfaitement ces deux langues ... Heureusement d'ailleurs qu'il ne me l'a pas dit en Catalan. Il était content de voir mon vélo, de pouvoir travailler dessus. Il m'a commandé des pneus, des Marathon de chez Schwalbe que l'on m'avait conseillé. Sauf que ces pneus sont trop épais pour mon vélo. Il s'en est aperçu en les montant, lorsqu'ils se sont frottés aux gardes-boue. Du coup, il en a commandé d'autres, des "michelin wild run R", quelque chose qui se définit comme "gravel" et qui devrait me permettre d'affronter des terrains pas toujours asphaltés et de m'en tirer avec beaucoup moins de crevaison. Miguel m'a changé ma vieille chaîne logiquement distendue et m'a repris mon pneu de rechange, conseillé chez décathlon Bron, et dont j'étais sûr alors qu'il ne m'aurait été d'aucune utilité.
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