Pas désagréable finalement de prendre la route à 6 heures du matin. A peine le temps de se dire au revoir avec Shafia et Tom. Shafia qui se dit que tout sera fermé partout, que c'est la Pentecôte. Je réaliserai plus tard qu'elle se trompe d'une semaine. A six heures, c'est le matin pour tout le monde.
Pas besoin de faire beaucoup de kilomètres pour passer la frontière à Saint-Jean pied de Port. Le problème, c'est que l'ascension est loin d'être finie. |
Sur la route, pour accompagner l'effort, on se raconte des histoires. Roncevaux, Roncesvalles en espagnol, ça touche à la légende. J'avais pas bien compris à l'école, mais n'empêche, ce Roland qui appelle au secours avec son olifant. Et son vieux copain Olivier qui ne vient pas … et Roland qui meurt.
Comment ça, il ne vient pas ?!!! Bien sûr que j'arrive. Sur mon vélo. Quelques siècles plus tard. Suffit de patienter un peu mon Roland.
Qui pour dire encore qu'Olivier n'était pas à Roncevaux ? |
Plus sérieusement, c'est une histoire un peu complexe, qui a structuré l'imaginaire occidental, parallèlement à celle des chevaliers de la Table Ronde. Roland, la brêche de Roland, qui se trouve d'ailleurs dans le cirque de Gavarnie… mais ça c'était l'étape d'avant. Mais si Roland, avec son épée Durandal, qui a taillé la roche.
Ah ! Les légendes. Déjà, j'ai eu du mal à comprendre que Roncevaux, ça se trouvait en Espagne. Mais ce n'est pas le tout. Il y a un lien très fort entre Roland et la Sicile. En fait, Italo Calvino l'explique très bien, en Italie, l'Arioste, Ludovico Ariosto, a glorifié le personnage de Roland avec son Orlando furioso, et en Sicile, les marionnettes reprennent l'histoire de Roland et d'Angélique. En France, on s'est plutôt centré sur l'histoire des chevaliers de la Table Ronde, avec Lancelot. Comme quoi, Roncevaux, c'est déjà la Sicile...
De l'histoire, j'avais retenu deux choses.
Roger délivrant Angélique, vu par Ingres. Comme quoi la légende de Roland ne se limite pas à Roncevaux. Déjà un morceau de Sicile. |
La première, soulignée par Frédéric Boyer, qui a traduit l'histoire de l'ancien français, c'est l'apologie de la défaite. Rolland est un perdant. Il est battu, abandonné, il meurt, à Roncevaux. Et le voilà héros. A part le Christ, il y a peu d'équivalent dans les légendes.
La deuxième, c'est le fait que Roland change d'ennemi avec le temps. Il est d'abord battu par les Vascons, disons les Basques, et puis, deux ou trois siècles plus tard, ce sont les sarrasins qui l'assassinent. Les légendes doivent répondre aux besoins du moment et s'intègrent là aux besoins du catholicisme.
Bref ! Quelques lacets et dénivelés plus loin, j'arrive à la Frontière, puis au pic d'Ibaneta, puis enfin à Roncevaux.
Photos de circonstances ... Mais enfin, il n'y a rien de fait. Changement de frontière, changement d'allure, changement de langues, changement de météo. Nuages et pluie. Pause mal venue. Je mange un peu, mais j'ai froid et je suis loin de tout. Roland avait raison, c'est pas un endroit pour mourir.
Je reprends le vélo en attendant des temps meilleurs. J'espère un peu trouver un accueil dans les hébergements dédiés aux Pèlerins de Compostelle, que je n'arrête pas de croiser au bord de la route depuis une centaine de kilomètres. Mais ça me paraît compliqué et l'office de Tourisme de Compostelle me répond un peu froidement. Je ne peux pas rester sur place, en tous les cas. Il fait trop froid. Je reprends la route en espérant que le camping indiqué 40 km plus loin sera ouvert.
Au moment où je sens le moment s'approcher, nouvelle crevaison. Une nouvelle fois à l'avant.
Nouveau moment de solitude... Jusqu'à ce que José, un cyclotourisme espagnol me prenne en pitié. Il m'aide à réparé, me soutient moralement et va même jusqu'à m'accompagner à Ochariaga, où j'arrive en même qu'une pluie glacée.
N'importe ! Le camping est ouvert, et me propose pour 20 Euros une chambre collective dont je serais le seul occupant... pour le double du prix d'une tente qui ne m'aurait pas aussi bien protégé des rigueurs du temps. Je prends conscience de la différence de conception de l'hébergement en Espagne. Une fois à l'abri, je peux nettoyer mon linge du jour et me préparer à un nouveau départ.
Demain, me dit le tenancier du camping, il fera beau.
Ça tombe bien, on se lasse très vite de rouler sous la pluie et tant qu'à grimper, autant profiter des beaux paysages pyrénéens.
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