dimanche 3 juillet 2016

Florence la rouge


Je savais bien que Florence serait autre chose. J'aime ces villes qui ont été capitale du monde, de ces cités dont on n'a jamais fait le tour et qui vous sidèrent à chaque fois. 
Par quelque coté que j'arrive, j'étais sur de me retrouver en son centre, là ou la Renaissance s'est créée, melant les débats culturels aux projets politiques, économiques, commerciaux  et militaires. Une période de fécondité comme l'humanité n'allait plus en connaitre avant le XIXe siecle. 
Excusez-moi, je m'égare ... comme je me suis laissé égaré au coeur de Florence, avec mon beau gros vélo, une fois franchi l'Arno d'ou j'avais perçu l'immanquable Ponte Vecchio. 
J'avais certes un petit souci : je m'y étais pris un peu tard et les personnes qui avaient donné leur accords pour un hébergements n'avaient pas répondu à mes appels. C'est là que j'ai décidé de pousser mon vélo vers le grand centre, persuadé que rien ne pourrait m'y arriver et qu'il y avait une auberge de jeunesse non loin du Dome. 
Tommaso et son pousse-pousse, en arret
devant le mien
Et là, au coeur de cet aimant touristique, je devins l'attraction du moment. Un américain admiratif me demanda ce que je foutais là avant de me prendre en photo et puis Tommaso, dont le métier consiste à transporter les touristes dans son pousse-pousse, loin de voir en moi un concurrent ou un consommateur perdu d'avance vint prendre des nouvelles de moi avant que je lui dise que je cherchais un hébergement. 
D'auberge de jeunesse, il n'en connaissait point, mais tout en cherchant dans sa tete, il finit par convenir qu'il y avait là haut, vers le piazzale ... 
Le ponte vecchio, qui a vu se
dérouler toute l'histoire des
grandes heures florentines et que
j'avais là, sous les yeux de mon
petit vélo. Miracle du voyage.
Eh oui ! Forcément, je me dis : le camping de Florence, que tout le monde connait. Sur l'un des plus beaux sites du monde puisqu'il permet de dominer la ville. 
Le piazzale, que je traduirai par grande place, mais c'est une faute, le piazzale s'appelle Piazzale Michelangelo, et tous les cars de touristes y versent leur contenu à un moment ou à un autre de la visite puisqu'il permet de dominer et de comprendre la ville. Il se trouve par ailleurs sur la route de Sienne mais j'en parlerai plus tard. 
Un florentin en tenue
 d'apparat à la sortie d'un
 grand hotel ?
Florence sait s'ouvrir
au monde
Plus tard d'ailleurs, aprés ma nuit de camping, je ne tardai pas à avoir signe de Serafina, belle soeur de mon amie Agnes qui me proposait un hébergement luxueux : un F3 au coeur de la ville. 
- Ah ! me disais-je le confort est l'ennemi du voyage ... meme si ça fait sacrément du bien de temps en temps. 
Avec un hébergement au coeur de Florence, je serais pret à y rester toute ma vie et n'en sortir que par la force des baïonnettes ... 
statue de Folon sur le voyage qui laisse bellement entrevoir
la ville de Florence
Reste que s'il n'y a pas de raison de refuser ce qui vous est offert, un voyageur doit se fixer des limites pour rester ce qu'il est : un errant, un humble. 
Cette réflexion sur le voyage, je me l'étais faite en descendant justement du Piazzale, passant par le jardin des Roses. Le site rend hommage au Japon, Florence étant jumelée avec Kyoto, et il est illustré des statues de Folon qui toutes rendent hommage au voyage. 
Je ne souhaitais pas revoir la ville une nouvelle fois. Juste sentir la cité. Sortant de l'appartement vers ce que je pensais etre le centre, je me suis retrouvé Piazza San Marco. 
Une des fresques réalisées par Fra Angelico,
devenu Beato Angelico aprés canonisation.
Toutes les chambres du couvent en sont
couvertes. L'art comme moyen de toucher
le divin.
C'est là que se trouve la basilique. Celle ou j'avais admiré les fresques murales destinées aux fréres dominicains pour les inciter à la prière et à la fois. Chaque peinture est un chef d'oeuvre, un musée indèplaçable ... Il en est des fresques comme des vieilles pierres. 
C'est en regardant ces fresques et l'histoire du site que je vis l'importance de Savonarole, ce fou de Dieu, cet intégriste chrétien, aux principes  pré-daeshiens, qui fit si bien qu'il termina sur le bucher. Tout ça pour dire que les fresques, l'appel à la foi avait aussi une fonction politique comme tout Florence à l'époque.
J'en étais là de mes reflexions lorsque j'aperçus au sortir de la Place San Marco, et me rendant compte par ailleurs qu'on voyait en droite ligne le Duomo à trois cent mètres à peu prés, lorsque j'aperçus donc quelques manifestants, entre quelques éléments policiers. Je crus percevoir des banderoles animalistes alors que me revenait en mémoire que c'était jour de gay pride. 
Je ne compris vraiment ce qui se passait que quelques instants plus tard. Les quelques banderoles réclamant l'attention à la cause animale se trouvérent vite oubliées et noyées par une foule colorées et en colére voulant montrer sa détermination à la suite du terrible attentat d'Orlando qui s'était produit dans la semaine. Bien entendu, le slogan qui faisait mouche était Orlando furioso, du nom du roman de l'Arioste, classique de la littérature italienne, que j'ai déjà évoqué en passant à Roncevaux. Roland le furieux. 
Je me suis rendu au Duomo, pensant bien prendre quelques photos et, effectivement, c'était grande manif des grands jours, avec délégations officielles,  en provenance des villes voisines, présence des partis de gauche, essentiellement, virulence et gaieté. Bref une image de la Florence vivante, colorée, amoureuse de la liberté depuis des siècles. 
On était samedi. Je réalisai tout soudain que je m'étais promis d'acheter un dictionnaire de poche franco-italien, parce que, j'avais beau avoir une conversation facile avec les autochtones, contrairement à ce qui s'était passé en Espagne, c'était quand meme mieux d'avoir un soutien. 
Je m'étais promis de ne rien acheter d'autre en entrant dans la Feltrinelli, grande chaine éditrice italienne. J'en ressortis en plus du dictionnaire avec le dernier livre de Paolo Rumiz ... Celui là meme qui m'avait fait mieux comprendre Hannibal et renforcé mon désir de passer par le Maghreb pour aller en Sicile. 
Cette fois-ci Paolo Rumiz s'attaquait à la Via Appia, la voie appienne, la plus ancienne voie romaine, celle-là meme qui devait m'amener à Brindisi. Alors voilà. Je suis ressortis le bouquin sous le bras en me disant que j'étais de ces gens qu'on devrait interdire de librairie, à l'image de ce qu'on fait pour certains joueurs dans les casinos. 
Je reparlerai bien sur de l'ouvrage qui m'a accompagné jusqu'à San Vito. Là, j'étais quand meme content de me voir accordée la remise destinée aux seuls adhérents de la Feltrinelli ... Lors meme que j'expliquais que me rendant tous les deux  ans en Italie, je ne serais jamais un client sérieux. Ils sont gentils les italiens. 
Reste que, comme on dit, ça a beau etre un bonheur sans cesse renouvelé de passer par Florence, il y a un moment où il faut partir ... Ce que j'expliquais à mon vélo en lui offrant une dernière vue du Piazzale qui, cela tombe bien, se trouve précisément sur la vieille route de Sienne, qui était l'étape suivante.
Mais à Florence, il s'était vraiment passé quelque chose, simplement par le fait que je m'y étais retrouvé en vélo. J'étais passé à une étape supérieure.

















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